Vendredi soir, j'ai donc rassemblé à la hâte quelques affaires, un téléphone, un iPad pour me rendre en urgence sur ma première destination : les urgences de Charleville, un lieu bien sympa, sans soleil, sans chauffage, aux chambres aveugles, au personnel qui doit affronter un mec ramené chez eux par les pompiers parce qu'il errait complètement camé sur les voies SNCF de la gare, un mec qui hurle sans cesse...
Quand on arrive aux urgences, faut savoir être patient, entendre tout et son contraire, c'est un peu comme dans une salle de classe, finalement. Je me suis fait copieusement tancer, presqu'à coups de JBLE, pour être allé bosser jeudi et vendredi... La vérité, c'est que j'avais mal, mais sans excès non plus...
Examens, radio, scanner, on tergiverse sur le cas du prof... Et puis on m'envoie en rhumato alors que je devrais être suivi en gastro. Toute une logique qui m'échappe...
Bon, le WE, dans les hôpitaux, rien ne bouge. Destination de vacances peu passionnante. Mais le personnel est gentil et les locaux plutôt agréables. Surtout qu'on m'inflige d'être à jeun. Le scanner montre un truc bizarre, mes analyses biologiques font exploser les marqueurs mais il sera toujours temps d'aviser lundi.
Lundi, on change. Ben oui, j'ai quand même un abcès de 4 centimètres dans le bidon et on me transfère sur Reims en urgence - j'aime bien l'urgence depuis ces derniers jours. De mieux en mieux, le SAMU pour moi tout seul, route en trombe, passage de Cormontreuil en 30 secondes et aux décibels des sirènes - au lieu de 30 minutes de bouchons - et découverte de l'hôpital Debré, enfin surtout de son plafond vu de mon brancard. L'un des toubibs du du SAMU est passionné de littérature et a lu le bouquin que je suis en train de lire, ça fait passer le temps et l'angoisse.
Aux urgences de Debré, on me transfère en gastro, on m'a préalablement massacré bras et main pour ne pas réussir à me faire une prise de sang, purée, là, j'ai morflé. On a visité Clairvaux avec les élèves et la chambre dans laquelle je me trouve me rappelle cette prison. Bref. Pas le temps de m'ennuyer. Je vois chirurgiens, anesthésistes, internes, infirmiers, étudiants, etc. Une armée de blouses blanches. Vaguement inquiet de me trouver soudainement le centre des préoccupations de tout ce beau monde stéthoscopisé. Pas le temps de rire, j'ai un abcès confirmé probablement enroulé autour de l'appendice et on va ouvrir le bloc en extrême urgence pour Dieu. Dieu plutôt détendu, un brin flippé de savoir que le chirurgien est une chirurgienne ;-) Dieu est immortel, suffit juste d'y croire.
Je dis souvent aux élèves qui m'appellent par erreur « Madame » que je vais m'offrir un jour une épilation gratuite. Et bien nous y sommes, tondeuse sur le torse, l'abdomen, les bras... Bon, les bras, c'est moi qui demande, ras-le-bol qu'on arrache douloureusement mon pelage viril à chaque pansement... Douche (froide) à la bétadine... Bloc... Un lieu convivial, plein de lumières et d'écrans... Et je m'endors... Pas si serein car le billard ressemble un peu à la table d'injection dans certaines prisons très civilisées des États Unis et civilisés de l'Amérique civilisée qui a génocidé les Indiens forcément sauvages...
L'anesthésiste est très gentille, sans son masque de martienne, elle doit même être belle. Elle me fait parler de mes enfants, de ma vie, un vrai speed-dating... Et je sombre...
Réveil en salle de réveil, normal, et la délicieuse sensation de la sonde urinaire, oui vraiment de chouettes vacances !
Appendicite confirmée avec énorme abcès... Merci la médecine... Et puis chapeau bas à tout ce fabuleux personnel des hôpitaux qui accomplit un boulot souvent ingrat, souvent avec le sourire...
La fin de ces vacances est proche... Un peu de repos encore... Je suis époustouflé par cette machine qu'est notre corps... Je frôle la péritonite et, quatre jours plus tard, je suis presque remis...
Et je retrouve bientôt mes élèves... Avec un vrai bonheur... J'espère bien revenir pour les conseils de classes... ;-)