Hier, j'étais au centre culturel des Pieux pour assister à la représentation de "L'homme aux bras de mer". Un spectacle bien enlevé, avec quatre très bons acteurs, qui s'attaquent à un sujet inspiré d'un fait divers authentique : une attaque de pirates somaliens qui tourne mal à bord d'un voilier français. L'un des pirates se retrouve en prison en Bretagne et c'est là qu'il rencontre Maryvonne qui va lui enseigner le français. Au fil du spectacle, on découvre la vie de Mohamed, jeté par la pauvreté de son pays dans des parties de pêche effrénées puis poussé à la piraterie pour rembourser ses dettes (l'achat d'un bateau qui sera finalement détruit par un tsunami).
Sans mélo outrancier ni manichéisme mal placé, la pièce fait réfléchir. L'histoire a fait l'objet d'une BD que je n'ai pas lue car j'attendais le spectacle.
Mohamed, au début de la pièce, au début de cette relation touchante, faite de méfiance et de confiance avec Maryvonne m'a rappelé mon Mohamed à moi : BASITE.
Basite, c'était un jeune sans âge, a priori mineur, que j'ai rencontré et côtoyé pendant près d'un an dans la classe-relais du collège Le Corre d'Equeurdreville. Parti d'Afghanistan (je crois), sans famille chez nous, après un périple essentiellement pédestre et maritime, il avait échoué, là, à Equeurdreville. Paumé, sans repère bien évidemment, Eric, le patron de la classe-relais (un dispositif en principe dédié aux élèves en situation grave de décrochage scolaire, marqués par les aléas de la vie, parfois durs et violents), l'avait pris son sous aile. Il est resté un an avec nous et la fin fut un peu compliquée. Eric se démenait pour lui trouver du boulot car, lorsqu'il atteindrait ce que l'on pensait être sa majorité, Basite serait livré à lui-même.
Basite était donc là, parmi nous, Eric, Davy qui encadrait les élèves en permanence, et puis deux ou trois collègues qui étaient investis à tour de rôle dans ce dispositif. Moi, j'intervenais le jeudi matin.
Avec Basite, aucune révision. Il devait, pour travailler, apprendre le français. Je m'y suis donc collé, bien appuyé par Eric et, on a commencé par apprendre la météo, la nourriture, les humeurs. Je pense avec émotion à la joie de Basite lorsqu'il comprenait, lorsqu'il progressait, lorsque, triomphalement, il répétait qu'il allait manger du "baf" à la cantine - du boeuf. On rigolait bien, complices. Ce gamin, malgré les stigmates probablement inavouables de sa jeune vie, souriait et nous faisait sourire. Parfois, il nous parlait de son village, de sa mère, d'une école coranique dans laquelle on ne lui avait jamais appris le nom des prophètes.
Il avait les yeux pétillants, je ne sais pas ce qu'il est devenu, j'espère tout simplement qu'il va bien et que le bonheur qu'il avait d'évoquer la France n'a pas été déçu...
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