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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

A défricher !

"Et puis un jour, en comptant les pigeons, on tombe par coïncidence sur une grand-mère vacante et on finit avec la peste, les Jivaro et ce pauvre monsieur Gary qui pleure encore sur sa mère. Et cette gamine à Venise sauf qu’en fait c’est dans l’océan. Sans vous parler du dictionnaire qui est quand même un bouquin prenant, vu le temps qu’on y perd pour trouver quelque chose. Et petit à petit, on voit plus rien pareil. On s’intéresse plus aux mêmes choses. "


Petite découverte dévorée en quelques heures... Un homme un peu simplet nous narre sa rencontre avec une petite vieille de 86 ans... Une trame touchante, pleine de digressions, un style qui mixe Céline et Goscinny, de l'humour, de la dérision...


"Si être intelligent, c’était qu’une question de volonté, je serais un génie, je peux dire. Parce que j’en ai fait, des efforts. J’en ai fait ! Mais c’est comme si je voulais creuser une tranchée avec une cuillère à soupe. Tous les autres ont des tractopelles, et moi je suis là comme un con. C’est le cas de le dire."

"Moi, je me paume. Je pars d’un truc, ça me fait arriver à un autre, et un autre, et un autre, et lorsque j’ai fini, je ne sais plus du tout de quoi je vous parlais. Et si quelqu’un me coupe la parole, ça m’emberlificote encore davantage, ça vire au sac de nœuds."

"Peut-être qu’avec un autre maître ça n’aurait pas été pareil, ma vie ? Comment savoir ? Je dis pas que je suis crétin à cause de ce type, je l’étais déjà, j’en suis sûr. Mais quand même, il m’a bien savonné la planche, celui-là. Je peux pas m’empêcher de penser que d’autres y auraient vissé deux, trois prises, au contraire. Pour que je puisse m’agripper, au lieu de dévaler jusqu’au fin fond du trou. Seulement, pas de cul, il n’y avait que deux classes, dans l’école, à l’époque. La classe des petits et la classe des grands. Bayle, on se l’est farci entre huit et dix ans. (Pour moi, onze.) Je ne suis pas le seul à avoir dégusté, je sais bien. Il en a bousillé quelques-uns, le vieux Bayle, avec sa méchanceté, sa bêtise. Tout confit de savoir, il était. À nous regarder de haut, ce qui n’était pas dur, vu qu’on était des mioches et qu’on ne savait rien. Et lui, au lieu de s’en féliciter, d’être content de tout ce qu’il allait nous apprendre, il humiliait les faibles, les mauvais, tous ceux qui avaient besoin de lui, vraiment."

"Margueritte dit que se cultiver, c’est tenter de grimper en haut d’une montagne. Je comprends mieux ça, aujourd’hui. Tant qu’on est dans son pré, on croit tout voir et tout savoir du monde : la prairie, la luzerne et les bouses des vaches (cet exemple est de moi). Un beau matin, on prend son sac à dos, on commence sa marche. Ce qu’on quitte, plus on s’en éloigne et plus ça rétrécit : les vaches deviennent pas plus grosses que des lapins, des fourmis, des chiures de mouches. Et tout le paysage qu’on découvre en montant, au contraire, ça paraît de plus en plus grand. "

"Elle m’a expliqué que lire, ça commence par écouter. J’aurais plutôt pensé par lire, justement. Mais elle a dit : non, non, ne croyez pas cela Germain ! pour faire aimer la lecture aux petits, il faut leur lire à haute voix. Et elle a ajouté que si on fait ça bien, ça les rend dépendants, après, comme une drogue. Ils ont besoin de livres, après, en grandissant. Ça m’a étonné, mais, en réfléchissant, je me suis dit que c’était pas idiot. Si on m’avait lu des histoires, petit, j’aurais peut-être mis le nez plus souvent dans les livres, au lieu de faire des bêtises, simplement par ennui."

"Les gens ne devraient faire des enfants que s’ils en ont vraiment l’usage. Parce qu’un gamin, ça engage la vie plus longtemps qu’un clébard, au niveau des contraintes. Et pas moyen de se tirer en le laissant attaché sur le bord d’une route, sauf si on veut finir en taule, mais c’était une image, vous aviez bien compris."

"Le problème, c’est que je dis les choses que je pense avec les mots que j’ai appris. Forcément, ça limite. C’est peut-être pour ça que j’ai l’air trop direct, à force de parler toujours en ligne droite. Mais un chat c’est un chat, et un con, c’est un con. J’y peux rien, si les mots existent. Je m’en sers et c’est tout. Y a pas de quoi fouetter une pendule."

"Ce qui me fait aller vers cette conclusion que pour les gens, c’est du pareil au même : c’est pas parce qu’on est inculte qu’on n’est pas cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier. Si c’est un mauvais, qui n’a pas le doigté, il vous gâche."

"En le tâtant entre mes doigts j’ai su que c’était un bouquin. Merde. Je l’ai ouvert quand même, en essayant de prendre un air intéressé, parce qu’à cheval donné on ne regarde pas la devanture. C’était pire qu’un livre : c’était un dictionnaire !

Oh putain ! j’ai pensé. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre avec ça ?

J’ai dit merci à Margueritte. Mais franchement, j’avais du mal."

"On passe des années à rêver d’être grands, tout ça pour regretter quand on était petits."

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