J'ai relu un bouquin que l'on considère souvent incontournable dès lors qu'on aborde les années noires, l'Occupation et la Résistance. L'Armée des ombres restera avant tout pour moi un superbe film avec un Lino Ventura éblouissant.
Surtout, le film propose une trame narrative claire alors que le livre, indéniablement de qualité, ne propose pas cette trame. C'est plutôt une accumulation d'anecdotes qui valent bien évidemment car ce livre a été écrit en pleine guerre par l'un des auteurs du
Chant des partisans.
"— La résistance. Tu entends ? dit encore Gerbier. Endors-toi avec ce mot dans la tête. Il est le plus beau, en ce temps, de toute la langue française. Tu ne peux pas le connaître. Il s’est fait pendant qu’on te détruisait ici. Dors, je promets de te l’apprendre."
"Tu ne connais rien de tout cela. Tu étais ici. Mais pour celui qui a senti cet éveil, ce premier frémissement, c’était la chose la plus émouvante du monde. C’était la sève de la liberté, qui commençait à sourdre à travers la terre française. Alors les Allemands et leurs serviteurs et le vieillard, ont voulu extirper la plante sauvage. Mais plus ils en arrachaient, et mieux elle poussait. Ils ont empli les prisons. Ils ont multiplié les camps. Ils se sont affolés. Ils ont enfermé le colonel, le voyageur de commerce, le pharmacien. Et ils ont eu encore plus d’ennemis. Ils ont fusillé. Or, c’était de sang que la plante avait surtout besoin pour croître et se répandre. Le sang a coulé. Le sang coule. Il va couler à flots. Et la plante deviendra forêt."
"Cette pensée est plus forte en eux que la vie. Les hommes qui publient ces feuilles sont inconnus, mais un jour on élèvera des monuments à leur œuvre. Celui qui trouve le papier risque la mort. Ceux qui composent les pages risquent la mort. Ceux qui écrivent les articles risquent la mort. Et ceux qui transportent les journaux risquent la mort. Rien n’y fait. Rien ne peut étouffer le cri qui sort des Ronéo, cachées dans de pauvres chambres, qui monte des presses, tapies au fond des caves. Ne crois pas que ces journaux ont la mine de ceux que l’on vend au grand jour. Ce sont de petits carrés de papier, misérables. Des feuilles mal venues, imprimées ou tapées à la diable. Les caractères sont ternes. Les titres maigres. L’encre bave souvent. On fabrique comme on peut. Une semaine dans une ville et une semaine dans une autre. On prend ce qu’on a sous la main. Mais le journal paraît."
"J’ai senti qu’un ennemi tué par nous qui n’avons ni uniforme, ni drapeau, ni territoire, j’ai senti que le cadavre de cet ennemi-là était plus lourd, plus efficace dans les plateaux qui portent le destin des nations que tout un charnier sur un champ de bataille. J’ai su que nous faisions la plus belle guerre du peuple français. Une guerre matériellement peu utile puisque la victoire est assurée même sans notre concours. Une guerre à laquelle personne ne nous oblige. Une guerre sans gloire. Une guerre d’exécutions et d’attentats. Une guerre gratuite en un mot. Mais cette guerre est un acte de haine et un acte d’amour. Un acte de vie."
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