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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

25.11.2019 - Florence



C’était juste un lundi comme un autre, un lundi de novembre balayé par le vent d’automne, sur le plateau de Luneray, en Normandie… Juste un matin comme n’importe quel matin pour n’importe quel prof de français qui retrouverait ses élèves de troisième dès la première heure, de 8 heures à 10 heures. Dans la petite salle 207, « ma » salle, étroite, que j’aimais bien malgré tout.


Cette classe, la 3ème3, était une classe franchement sympathique, agréable. J’aimais bien ces élèves et je crois que c’était réciproque. Je les revois, je vous revois : Paul, Sébastien, Charlotte, Carole-Anne, Jessica, Stéphanie, Hélène, Sophie...


Florence.


A la table au fond. Je t’avais isolée, un peu. Tu avais un caractère bien trempé. Un peu fofolle, une énergie difficile à canaliser. Pas méchante pour deux sous, peut-être en manque d’affection. Comme tant d’élèves qui pallient ce manque en se faisant remarquer.


Pour toi aussi, c’était un lundi comme un autre sur la plaine, entre Brachy et Luneray, dans cette si belle campagne normande immortalisée par Maupassant et Flaubert. Une matinée comme une autre. Oui, tu roulais dans les brumes matinales, accrochée au guidon de ton scooter, tout récemment acheté pour ton anniversaire, offert par tes grands-parents quelques jours plus tôt… Tu roulais prudemment, certainement, j’aime me le dire.


Tu pensais peut-être à la note que M. Rio te rendrait dans quelques minutes. Cette interro, bouclée un peu vite, comme à ton habitude, le vendredi précédent. Quand tu m’as eu rendu ta copie, tu m’as demandé pour effacer le tableau. C’est la dernière image que j’ai de toi, avec ton pull rouge, gesticulant devant le tableau, tes yeux planqués derrière tes grosses lunettes. Depuis, c’est exceptionnel que j’autorise un élève à effacer mon tableau. Comment expliquer cela aux volontaires qui croient bien faire ? Je leur explique qu’ils s’y prennent mal et qu’ils laissent souvent plus de traces sur le tableau qu’avant leur passage, ce qui n’est pas faux. Mais qui n’est pas pleinement vrai non plus.


Quelques minutes plus tard, j’accueillais mes élèves. Des sirènes hurlaient au loin, dehors, clairement perceptibles depuis ma salle, déchirant la tranquillité des lieux. J’avais porté ton nom sur le billet d’appel : absente. C’est étrange comme, en y pensant, à nouveau, j’avais un affreux pressentiment. Comme j’en ai l’habitude lorsque j’ai les élèves deux heures à la suite, j’ai laissé un temps de pause. A 9 heures, donc. Ma collègue d’allemand, Virginie, qui assurait ses cours à côté de ma salle commençait sa journée. Elle m’a abordé à la pause, m’a demandé si Florence était là. Ce qui était une question incongrue car, aussitôt, elle m’a dit que Florence venait d’avoir un accident et que c’était grave…


C’est dans un état second que j’ai assuré cette seconde heure de cours avec mes troisièmes. Ils ont ressenti cela. Certains avaient surpris ma conversation avec Virginie, ma collègue. A la récré, entre enseignants, nous étions évidemment très angoissés. D’autant que nous avions appris que le témoin de l’accident était l’une de nos collègues.


J’ai un souvenir assez flou de ces moments. C’est incroyable, puisque cette journée m’a marqué à vie mais je ne revois plus le moment terrible où quelqu’un m’a annoncé que Florence était morte lors de son transfert vers l’hôpital de Dieppe… Comme si on voulait se blinder contre ce genre d’uppercut.


Ma grande copine du bahut, prof de français aussi, Ingrid, m’a dit que, en arrivant au collège, elle avait croisé une ambulance du SAMU, sirènes hurlant, fonçant à toute vitesse sur les routes sinueuses, vers Dieppe.


A quoi pensais-tu, au moment d’arriver sur Luneray, Florence, avec tes yeux planqués derrière tes lunettes et sous ton casque tout neuf ? Tu sais, dans ce double virage en léger devers qui traverse l’ancienne voie de chemin de fer ? Tu sais, ce moment où, face à toi, tu as vu un véhicule qui doublait un tracteur en ignorant la ligne blanche ? Ce véhicule qui t’a fauchée, avec ton scooter, avec ta vie.


Oui, ta vie…


As-tu eu le temps de penser à ce casque que tu n’avais pas attaché ? As-tu eu le temps de penser à ta maman, à ta petite sœur ? Ta maman que j’allais revoir quelque temps plus tard, qui me dirait que, chaque nuit, ta petite sœur te réclame et que, à elle, personne n’a encore eu le courage de dire la vérité…


As-tu, comme tes camarades, comme moi, entendu ces sirènes qui t’emmenaient loin, si loin ? Plus loin que Dieppe, en tout cas. Au-delà des falaises, de la mer, du monde des vivants.


A l’époque, il n’y avait pas les téléphones portables, comme aujourd’hui. C’est donc une rumeur insidieuse qui s’est installée, toute la matinée. Il a été décidé que, à 13h30, la classe serait prise en charge par plusieurs enseignants. Je me revois, dans la salle de maths, faire face à 25 élèves qui savaient, plus ou moins. Je revois Monique, professeur chevronnée, la prof principale, renoncer à annoncer la nouvelle, je me revois prenant le relais. Cela ne peut se raconter. Jamais je n’ai eu le sentiment, dans le cadre de mon métier, d’être autant une bouée de sauvetage pour les autres qu’à ce moment précis. Les élèves pleurent contre vous, vous avez leurs larmes qui coulent dans votre cou. Les frontières n’existent pas et, pour une fois, c’est bien ainsi.


Des larmes, des larmes et, ce qui m’a le plus impressionné, dans ce collège de 480 élèves, un silence de plomb pendant plusieurs jours. Un vrai silence. Pas même un murmure. Rien.


Vendredi, ce serait l’enterrement, vers 10h30…


Lente procession, sous la pluie battante, pour aller à l’église de Luneray. Combien étions-nous ? Une dizaine de professeurs, 70, 80 élèves ? Je me revois soutenir une élève, Clémence, à l’entrée de l’église. Je me revois, assis, bouleversé… L’église était comble… Une émotion absolument insoutenable car c’était comme un deuil collectif. Ces minutes dehors, alors que seule la famille était restée avec le cercueil dans l’église, ces minutes, sous la pluie, interminables…


L’après-midi, terrible, face à moi, cette classe, toujours, élèves en noir, professeur en noir… Les élèves n’avaient que français l’après-midi. J’avais espéré qu’ils resteraient chez eux après la cérémonie. Il n’en a rien été.


J’ai été marqué à vie par cet accident. Ce n’est pas pour cela qu’on est professeur… Toute l’année, il nous a fallu accepter de vivre, dans cette salle, avec une table définitivement vide. Plus jamais je n’ai fait l’appel dans cette classe. Je me contentais de compter les élèves, ne voulant pas conclure l’appel par la mention d’une élève (dont l’initiale du nom de famille est un T) que j’avais portée absente un lundi matin de novembre comme les autres. Cette habitude, d’ailleurs, de simplement compter les élèves, depuis, ne m’a pas quitté.


Florence, je pense à toi et à ces deux autres élèves que j’ai côtoyés, morts trop tôt. Julien, un dimanche matin, non loin de chez moi, pulvérisé sur le capot d’une camionnette, au guidon de son scooter. Et puis Matthieu, « Matt », le beau gosse de Luneray, amateur de vitesse, de belles voitures et de jolies filles, renversé tranquillement alors qu’il circulait à vélo par un récidiviste qui a pris la fuite, a fait croire que c’était sa compagne qui était au volant et, seulement, après avoir permuté les places dans la voiture, est revenu voir le corps mort de sa victime. J’ai souvenir aussi, d’un drame qui avait ému les collègues plus anciens : une élève tuée sur la grande route de Dieppe à Ouville, qui s’est rabattue trop tôt sur un camion au terme d’un dépassement hasardeux… Plus récemment, alors que j’étais en poste à Revin en lycée, je me souviens de profs bouleversés par la mort d’un élève du collège dépendant de la même cité scolaire : renversé au niveau de la friterie, là, après le rond-point de la gare. Cela fait beaucoup. Beaucoup trop.


Alors, je peste, je fulmine toujours contre tous ces jeunes James Dean des bacs à sable qui dévalent les routes au guidon de leur deux-roues. Un accident est si vite arrivé… Inutile de forcer le destin. Quatre ans dans ce collège normand et trois églises pleines à craquer. Cela n’arrive pas qu’aux autres, malheureusement. Oui, je rage contre mes élèves à vélo, sans lumière, dans l’aube ardennaise, ceux qui roulent sur les trottoirs et qui, sans rien regarder, sautent pour rouler sur la route, ceux qui grillent les priorités. On n’est pas immortel dans une voiture. Encore moins sur un deux-roues. Je ne me prive pas d’engueuler copieusement mes élèves lorsque je les ai surpris en train de faire les cons sur la route. Je l’assume. Je préfère les engueuler que les accompagner au cimetière.


Oui, un lundi matin, comme les autres, vraiment. Si ce tracteur n’avait pas été là, si l’automobiliste – le père d’un élève de la classe dont j’étais le professeur principal, soit dit en passant – n’avait pas franchi l’interdit de cette ligne blanche, je ne serais pas là, à écrire sur toi, Florence.


Un lundi comme les autres. Ce 25 novembre 2002.


Je pense à toi, souvent. Tu aurais 26 ou 27 ans, des enfants peut-être. Toi et moi, on aurait probablement fini par se prendre sérieusement la tête avant la fin de l’année scolaire. Que cela aurait été bien !


Je relis et reprends ces lignes le 24 novembre 2017. Je les relis toujours avec beaucoup d’émotion car le ressenti est là, encore palpable et intact. Je déteste ces journées de novembre.


Je parle de toi à mes élèves. Je ne t’oublie pas. Dans mes archives, j’ai toujours la copie que je n’ai jamais rendue. Je la conserve. Je ne sais plus si c’est une bonne ou une mauvaise note.


Je m’en fous.


Je garderai cette copie.





Toujours. Avec le regret, aussi triste que lancinant, de n’avoir jamais pu te la rendre…

Les Enfants du Titanic

Bonsoir,

Comme promis, je glisse, pour mes quatrièmes, un fichier PDF pour vous guider dans la lecture du livre Les Enfants du Titanic, récit très abordable mais un peu long.


Le fichier pour vous aider est ici.

Il faut avoir lu au moins les quatre premiers chapitres pour la sortie à la Cité de la Mer lundi 25 novembre.

Sébastien RIO

Correction sujet Brevet L. Gaudé

Bonjour à tous,

J'ai décidé de ne plus faire en classe de correction fastidieuse des sujets type Brevet. Je proposerai donc des éléments de correction sur ce blog en format pdf.

Libre à chacun, à son rythme, d'en prendre connaissance et, le cas échéant, de venir échanger avec moi pour avoir des explications supplémentaires.

Je rappelle que chaque séquence permettra de valider un sujet de Brevet complet pour lequel je propose toujours une double notation : compétences + numérique.

Voici le corrigé questions / dictée / réécriture de la séquence 1 (en fin de fichier).

Sébastien RIO