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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Libres !!!

Je ne connais pas trop Marc Lévy. les avis sont très contrastés à son sujet. J'ai attaqué ce livre sans préjugés. C'est un bouquin passionnant ! Le meilleur que j'ai lu depuis plusieurs semaines et, pourtant, je lis 4 à 6 livres par mois !



C'est plutôt bien écrit. Sans pathos superflu.


Pourtant l'histoire s'y prête. L'histoire, justement, c'est celle du père et de l'oncle de l'auteur engagés dans la Résistance alors qu'ils avaient une poignée d'années - moins de vingt ans. On y suit donc Jeannot et Claude et tous leurs copains de Résistance, ceux qui meurent, ceux qui survivent, ceux qui échouent dans leur mission. Une tranche de vie pleine d'espoir des années noires. Mieux qu'un livre d'histoire. Non, vraiment très intéressant !


On s'attache à ses gamins d'origine juive, enrôlés dans les groupuscules de la Résistance. On croise des civils qui n'osent pas résister, d'autres qui aident par leur simple silence, les salauds de la Gestapo, les salauds français qui prennent bien leur pied à collaborer, les règlements de comptes au sein même de la Résistance à l'aube du Débarquement. Et cette interminable fuite en avant dans le dernier train de la mort ! Epoustouflant !


Le chapitre XVII est formidable, très émouvant... L'histoire si poignante, si récurrente, d'une gamine de dix ans qui voit une voiture noire emmener sa mère pour toujours...


Ma grand-mère avait 25 ans durant la guerre. J'aurais aimé qu'elle puisse lire ce livre... On ressort un peu triste de ce livre. On aurait aimé qu'il soit plus long, presque. Et on se dit que, forcément, le prochain livre sera un peu amer, décevant...




"Il avait suffi de quelques minutes assis là, l’un à côté de l’autre, quelques minutes où nous nous retrouvions enfin, et il redevenait déjà mon petit frère. Au ton de sa voix, c’était presque comme s’il s’excusait d’avoir fait une bêtise en faisant sauter la machinerie de son écluse. Pourtant, combien de jours de retard s’accumuleraient dans l’acheminement de lourdes pièces de marine que l’armée allemande faisait transiter par le canal, de l’Atlantique à la Méditerranée ? Claude riait, j’ai passé ma main dans sa chevelure ébouriffée et moi aussi je me suis mis à rigoler. Parfois, entre deux frères, la complicité est bien plus forte que tous les interdits du monde. Il faisait beau et la faim était toujours là."


"Nous avons remonté ensemble la petite rue où il logeait. Avant d’aller prendre mon tramway, je me suis retourné, juste une fois, pour voir sa frimousse avant de repartir vers la solitude. Lui ne s’est pas retourné, et finalement c’était mieux comme ça. Parce que ce n’était plus mon petit frère qui rentrait chez lui, mais l’homme qu’il était devenu. Et ce dimanche soir-là, j’avais un sacré coup de cafard.
"

"Les miliciens violaient, torturaient, dérobaient les biens des gens qu’ils déportaient, monnayaient leur pouvoir sur la population. Combien de femmes ont écarté leurs jambes, yeux fermés, mâchoires serrées à en crever, contre la promesse fictive que leurs enfants ne seraient pas arrêtés ? Combien de ces vieillards dans les longues files d’attente au devant des épiceries vides devaient payer les miliciens pour qu’on les laisse en paix, et combien de ceux qui ne purent s’acquitter furent envoyés dans les camps afin que les chiens de rue viennent tranquillement vider leurs logis ? Sans ces salauds, jamais les nazis n’auraient pu déporter tant de monde, pas plus d’un sur dix de ceux qui ne reviendraient pas."

"les actions que nous entreprenions étaient tout autres que de la vengeance, elles étaient un devoir de cœur, pour sauver ceux qui n’auraient pas à connaître ce sort, pour participer à la guerre de libération."

"Aux premières heures du jour, le cou enveloppé dans son écharpe rouge, il venait faire la queue devant l’épicerie. C’est lui qui les réconfortait pendant la longue attente des petits matins glacés. Il n’offrait rien d’autre que de la chaleur humaine mais dans cet hiver-là, c’est ce qui manquait le plus. Voilà, c’est fini, maintenant M. Lormond ne dira plus jamais rien. Ses mots d’humour qui provoquaient toujours un rire, un soulagement, ses petites phrases drôles ou tendres qui tournaient en dérision l’humiliation du rationnement, sont partis dans une voiture de la Gestapo il y a deux heures déjà."

"Mme Lormond le sent, elle sait. Elle voudrait se retourner, pour offrir à sa fille un dernier sourire, un geste de tendresse qui lui dirait combien elle l’aime ; un regard, le temps d’une fraction de seconde, mais assez pour qu’elle sache que ni la guerre, ni la folie des hommes ne la déposséderont de l’amour de sa mère.

Mais voilà, en se retournant elle attirerait l’attention sur son enfant. Une main amie a sauvé sa petite fille, elle ne peut pas prendre le risque de la mettre en danger. Le cœur en étau, elle ferme les yeux et avance vers la voiture, sans se retourner."

"Au cinquième étage d’un immeuble, à Toulouse, une fillette de dix ans regarde sa maman qui s’en va pour toujours. Elle sait bien qu’elle ne reviendra pas, son père le lui a dit ; les juifs qu’on emmène ne reviennent jamais, c’est pour cela qu’il ne fallait jamais se tromper quand elle donnait son nouveau nom."

"C’est en le regardant muré dans son désespoir, ici même, au milieu de cet univers sordide, que j’ai pourtant vu l’une des plus justes beautés de notre monde : un homme peut se résoudre à l’idée de perdre sa vie, mais pas à l’absence de ceux qu’il aime."

"Le père Joseph, l’aumônier de la prison, sacrifiait ses tickets de rationnement pour lui venir en aide. Chaque semaine, il lui apportait un petit colis de biscuits. Pour nourrir Chahine, je les émiettais et le forçais à manger. Il lui fallait plus d’une heure pour grignoter un biscuit, parfois le double. Épuisé, il me suppliait de donner le reste aux copains, pour que le sacrifice du père Joseph serve à quelque chose.

Tu vois, c’est l’histoire d’un curé qui se prive de manger pour sauver un Arabe, d’un Arabe qui sauve un Juif en lui donnant encore raison de croire, d’un Juif qui tient l’Arabe au creux de ses bras, tandis qu’il va mourir, en attendant son tour ; tu vois, c’est l’histoire du monde des hommes avec ses moments de merveilles insoupçonnées."

"Sur le trottoir, les passants ralentissent le pas, s’amusant de voir ce couple enlacé dont le baiser semble ne jamais vouloir finir. Au milieu de cette horrible guerre, certains trouvent encore la force de s’aimer. Le printemps reviendra, a dit Jacques un jour, et ce baiser volé sur le parvis d’un hôpital sinistre laisse croire qu’il avait peut-être raison."

"Nous n’avions pas vingt ans, à peine plus pour certains d’entre nous, et il nous restait bien des choses à apprendre pour faire la guerre sans se faire repérer, des choses que les limiers de la police de Vichy connaissaient sur le bout des doigts."

"Nous arrivons au début de l’après-midi. Nuncio et son ami Walter ne pensent qu’à s’évader. Le soir, pour passer le temps, nous faisons la chasse aux puces et aux poux qui rongent le peu de chair qui nous reste. Les parasites se logent dans les coutures de nos chemises et de nos pantalons. Il faut beau-coup d’adresse pour les déloger, et à peine une colonie chassée, une autre prolifère. À tour de rôle, les uns s’allongent pour essayer de se reposer tandis que d’autres s’accroupissent pour leur faire de la place. C’est au milieu de cette nuit-là, que me vient cette drôle de question : si nous survivons à cet enfer, pourrons-nous un seul jour l’oublier ? Aurons-nous le droit de revivre comme des gens normaux ? Peut-on gommer la part de mémoire qui trouble l’esprit ?"

"Ce n’est plus qu’une question d’heures pour moi. Jeannot, il faudra un jour que tu racontes notre histoire. Il ne faut pas qu’elle disparaisse comme moi.

— Tais-toi, Samuel, tu dis des bêtises et je ne sais pas raconter les histoires.

— Écoute-moi, Jeannot, si toi tu n’y arrives pas, alors tes enfants le feront à ta place, il faudra que tu le leur demandes. Jure-le-moi.

— Quels enfants ?

— Tu verras, poursuit Samuel dans un délire halluciné. Plus tard tu en auras, un, deux, ou plus je ne sais pas, je n’ai plus vraiment le temps de compter. Alors il faudra que tu leur demandes quelque chose de ma part, que tu leur dises que cela compte beaucoup pour moi."

24 décembre !

Mes enfants ont ouvert ce matin la dernière case de leur calendrier de l'Avent. J'imagine donc que le mec en rouge risque de se pointer dans les prochaines heures... Mon épouse travaille de nuit et, qui sait ? croisera peut-être un ou deux rennes égarés !


Je souhaite à tous les visiteurs de ce blog un joyeux Noël.

Petit texte écrit ces derniers jours. Je ne suis pas très satisfait mais je le livre quand même.


J'en profite pour poster deux textes plus anciens :

Dans les yeux de Marie, version guerre 14-18 (clic !)

Dans les yeux de Marie, version Révolution (clic !)

Fausse note !

Bon, j'ai attaqué ce bouquin qui me semblait intéressant... Après la guerre, un gamin, Arnaud, revient dans son village, dans le Périgord. Il est accueilli par ses grands-parents. Sa mère, Résistante, rejétée par sa famille communiste car éprise du grand propriétaire terrien du coin, a été déportée sous ses yeux... Dès qu'il arrive dans ce bled du Périgord, des événements étranges ont lieu et on comprend vite qu'ils ont un rapport avec le passé de la mère d'Arnaud et le retour de l'enfant dans ce village.


Je m'attendais donc à un truc avec de terribles secrets de famille, un peu comme Elle s'appelait Sarah ou Un secret... Du tout, on tombe dans une pseudo-intrigue policière à la Boileau-Narcejac, cousue de fil balnc (blanc fluo, même, le fil)

Bref, j'ai fini le livre sans grand enthousiasme...

Grève !

Une de plus, diront certains. En ce qui me concerne, ce n'est que la troisième ou quatrième fois que je fais grève depuis mon entrée en fonction, en 2000. Je dois être un zombie ou un recordman ;-)

Donc, demain, oui, je fais grève. Une grève qui, je le souhaite, sera massivement suivie car elle fédère deux revendications bien précises :

1. La remise en cause de l'évaluation des enseignants ;
2. Le probable gel de l'avancement des enseignants de 2012 à 2015.



Avant de développer, quelques mots sur ma petite personne qui nous amèneront logiquement à considérer les deux points précédents.

J'ai décroché une Maîtrise avec mention TB à la fac de Rouen en 1998. Un boulot passionnant mené avec des profs archi géniaux auxquels je voue, toujours, une grande admiration. Je me lance ensuite dans la préparation du CAPES. Je me plante. 1 en latin, un 3 me permettait d'avoir le CAPES. Ecoeuré, d'autant que le 1 était absolument injustifié. Je ne le sais pas encore mais ces deux examinateurs de latin m'ont rendu un sacré service. Avec une note meilleure, j'aurais eu mon CAPES mais j'aurais été classé dans les abysses du concours. On s'en fout, vous me direz, l'essentiel, c'est d'avoir le concours. C'est ce que je pensais aussi.

L'année suivante, 2000, donc, je bosse comme un malade, j'avale trois livres par semaine, je passe des oraux blancs en pagaille, je fais des centaines de fiches de grammaire, de stylistique, de phonétique, d'ancien français. Bref, je me transforme en une machine à gagner un concours, à bouffer de l'examinateur. Je décroche haut la main ma place pour les oraux en obtenant un beau 13,5 à la dissert' de 6 heures. A l'oral, à Tours, je me transcende véritablement. Je tombe, en plus, sur un sujet qui me passionne lors de l'épreuve dite "sur dossier" : une séquence à analyser sur la littérature de la seconde guerre mondiale. Je casse la baraque : 15.

Résultat, sur 8600 candidats, j'arrive 61ème, major de l'académie de Rouen, les cinquante premières places sont généralement bloquées d'office par les agrégatifs de Normale Sup'. Me voilà donc avec un excellent rang. J'en suis fier parce que je trouve ça bien. Novice, j'ignore encore surtout que ce rang va me suivre toute ma carrière.

Et j'en viens aux deux points mentionnés.

Lorsqu'on est jeune prof, l'avancement dépend précisément du rang obtenu au concours. Il faut le savoir, le prof est évalué de deux manières. La note pédagogique, sur 60 points, évolue au long de la carrière, au fil des inspections, selon des créneaux pré-établis. En gros, un inspecteur, pour tel échelon, ne peut pas valoriser la note au-delà de telle note. C'est pareil pour la note administrative, sur 40 points, qui est régulièrement valorisée par le chef d'établissement qui évalue là le rayonnement de l'enseignant, son sérieux, son assiduité, sa ponctualité, etc. Le chef d'établissement n'évalue jamais la compétence pédagogique qui est du ressort de l'inspecteur.

Nous touchons ici à l'une des revendications de la grève. Il est prévu, dès 2012, que les inspecteurs ne visitent plus les professeurs et que la note pédagogique tombe en quelque sorte dans le giron des chefs d'établissement qui, du jour au lendemain, auraient en main le contrôle total de l'évaluation des enseignants, y compris le domaine pédagogique, ce qui suppose que chaque chef d'établissement, durant les grandes vacances apprenne à bien connaître les programmes de chaque discipline afin de pouvoir évaluer au plus juste "leurs" enseignants. Je suis contre cela. Beaucoup de chefs d'établissements aussi. D'autant que cela s'apparente à une première déviance qui pourrait mener à une remise en question complète du recrutement des enseignants, un peu selon le modèle anglais, où les enseignants sont recrutés au cas par cas par le chef d'établissement. Loin de toutes les procédures relativement égalitaires de mutation dont nous bénéficions actuellement.

Seconde revendication. L'avancement des enseignants dont on a dit qu'il dépendait, dès le début de carrière, du rang au concours. Précision en préambule : l'avancement d'un enseignant conditionne aussi sa rémunération. Cet avancement se fait selon trois modalités : l'ancienneté, le choix, le grand choix. Plus vous êtes bien évalué par votre inspecteur, plus vous avez de chances de passer d'un échelon à l'autre au grand choix. Il y a en tout 11 échelons. Sinon, vous passez au choix, selon un rythme moins rapide ou, au pire, à l'ancienneté. En fin de carrière, les différences de salaire entre un enseignant et un autre peuvent être colossales selon la rapidité de l'avancement.

Mon rang au concours m'a permis d'avoir, dès le début, une note administrative forte (il ne me reste que 4/10ème de point à décrocher pour obtenir la note optimale de 40) Mon rang m'a aussi permis d'avoir une note pédagogique forte et, donc, de pouvoir passer, régulièrement au grand choix (sauf une fois). Ainsi, après 12 ans de carrière, je suis à l'échelon 7. Je suis à nouveau promouvable au grand choix l'an prochain, en septembre, je crois ; au choix en mars 2013 ; à l'ancienneté, en septembre 2013. On voit les écarts. Le projet de décret du gouvernement bloque les avancements autres qu'à l'ancienneté. Est-ce juste ? Non, bien évidemment, c'est fondamentalement injuste. Mon dernier rapport d'inspection est plutôt élogieux et j'espère bien passer au grand choix car mes notations administrative et pédagogique sont largement au-dessus des médianes du 7ème échelon. Le gel éventuel de l'avancement me touche directement. Idem, d'ailleurs, si je postule à la hors-classe - j'ai loupé la campagne l'an dernier, couillon que je suis ! Un collègue me disait que la hors-classe risquait d'être touchée par ce gel.

C'est comme si je disais à un élève qu'il a le niveau pour passer en troisième mais qu'il devra attendre l'année prochaine. C'est ridicule.

On voit bien l'enjeu pour l'Etat. Pas d'avancements au choix ou au grand choix = un max d'économies. On fait miroiter aux jeunes collègues un salaire valorisé (c'est le moins que l'on puisse faire pour des diplômés à bac +5 !) mais, par ailleurs, dès qu'ils seront dans le métier, leur valorisation salariale sera minorée. C'est d'une hypocrisie incroyable.

Je passe aussi sur un dommage collatéral. Un enseignant qui veut muter accumule des points selon divers critères. Je ne détaille pas. Mais l'un des critères pour gagner des points est le nombre d'échelons obtenu. Autrement dit, moins vous gagnez d'échelons, moins vous avez de points pour muter. CQFD.

Alors, oui, j'en entends déjà qui affûtent la ritournelle si usée des profs privilégiés, des vacances, des profs qui ne fichent rien, etc. Comme beaucoup de lecteurs de ce blog, j'imagine, mon indice de rémunération n'a pas été revu depuis des lustres - une fois, je crois, en 12 ans de carrière. J'ai vu hier que, en 2012, les prix avaient augmenté de 2,5%, je ne fais pas partie des privilégiés qui verront leur salaire augmenter de manière mimétique. Oui, j'ai des vacances, non l'intégralité de ces vacances n'est pas payée. Un texte des années 50 (c'était hier, en somme) a établi une rémunération des profs sans vacances et a ensuite lissé cela sur la rémunération annuelle. Cela mérite d'être rappelé. Oui, je ne passe que 18 heures face à mes élèves. Mais je bosse chez moi, je prépare mes cours, je corrige mes copies, je reviens régulièrement au collège régler des problèmes, assister à des réunions, assurer les conseils de classe, rencontrer des familles, parfois je corrige les examens (activité pour laquelle je suis payé une misère, très très très très loin du SMIC horaire), etc. Non, je ne suis pas un feignant. Qu'on sorte de cette caricature stérile !

Et, depuis quelques années, je fais un boulot qui est de moins en moins un boulot d'enseignant pour lequel j'ai été formé et qui m'a séduit au départ. Je suis assistant social, parent de substitution, je me faisais récemment la réflexion que l'une de mes interlocutrices, dans le cadre de mon boulot est, de plus en plus l'infirmière scolaire, on se heurte à des incivilités de plus en plus nombreuses, à une absence générale de travail de la part de nos élèves car les familles peinent à imposer leur autorité à la maison, etc.

Euh, vous sortez du sujet, là, non ?

Oui, je sors du sujet. Pas tant que cela, en fait ! Un enseignant bridé dans sa reconnaissance aura-t-il toujours la volonté de s'investir, de faire son boulot à 150%, de mettre sur pied des sorties pédagogiques (peu de gens, je pense, imaginent la difficulté à trouver des financements pour ces sorties), des pratiques pédagogiques diversifiées, etc.?

Si je suis privilégié, c'est que, contrairement à de nombreux collègues, je suis titulaire de mon poste, à l'abri d'une suppression de poste, je ne me balade pas sur deux ou trois établissements. Mon établissement est agréable, les élèves sont souvent sympathiques, les parents dans leur immense majorité apprécient le travail fourni par les enseignants.

Je ne vais pas faire dans le pompeux. Mais, quand même, on parle de gens à qui on confie l'avenir de notre pays. On sait bien qu'on n'aura pas toujours la reconnaissance qui nous est due. Mais, avec ces projets de refonte de l'avancement et de l'évaluation des profs, ce manque de reconnaissance deviendra carrément officiel... Ce changement de l'évaluation qui ne ferait plus la part belle à la pédagogie pure - quand même le fondement de notre boulot - n'est-il pas la marque tout simplement d'un certain renoncement ?

Mentions !

Un incident a, une nouvelle fois, émaillé le déroulement d'un conseil de classe. Il s'agissait du conseil de la 5C que je menais en tant que professeur principal. Je n'épilogue pas sur cette péripétie. Au coeur du problème, les mentions - enfin, bon, il y a à mon avis un autre problème de fond que je n'évoquerai pas sur ce blog.

Peut-on ne pas attribuer les félicitations à un élève qui a 17 ou 18 de moyenne ? La réponse est oui. Les félicitations viennent concrétiser, en quelque sorte, à la fin du bulletin, le bilan positif de l'élève dans ses résultats comme dans son attitude. Autrement dit, la seule moyenne ne préjuge pas que l'on accorde d'office la mention des félicitations. Ainsi, sur un bulletin, un bilan numérique très élogieux peut être nuancé par une attitude plus déviante.

C'est, sauf erreur de ma part, une ligne de conduite qui prévaut au collège depuis des années. Sauf erreur de ma part, les deux conseils qui ont précédé le mien ont été menés avec la même intransigeance. Les élèves sont au courant de cela depuis des lustres. Chacun sait et peut vérifier que j'ai vu régulièrement les parents de cette classe. J'ai passé 4h40 en réunion parents-profs et, à côté, au moins dix heures, à convoquer des familles pour régler des problèmes ou, du moins, attirer l'attention de certaines familles sur des soucis ponctuels ou plus lourds.

Je ne veux pas entrer dans une polémique caricaturale qui opposerait les profs aux parents, cela n'a aucun sens. Si les parents cristallisent leur attention sur cette seule ligne hypothétique des mentions, ce n'est pas constructif. Chaque appréciation disciplinaire a son importance. La moyenne et une possible mention ne doivent pas être les seules perspectives à considérer à la lecture d'un bulletin par la famille. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, la moyenne générale ne figure pas sur le bulletin, afin de ne pas monopoliser l'attention de chacun.


Pour ce qui concerne la 5C, tout le monde s'accorde à dire que c'est une classe pénible, agitée et bruyante. Peut-on envisager, un seul instant, de cautionner ce genre d'attitude en valorisant des élèves qui gênent ou perturbent le cours, sous l'unique prétexte qu'ils ont de bons ou d'excellents résultats ?

Sans aucune hésitation, pour moi, la réponse est non.

Chez moi, quand mon fils fait une petite bêtise, je ne le félicite pas. Suis-je un mauvais père ? Depuis ce soir, je me dis que je devrais peut-être le féliciter...

Croisé !

Petit livre sans prétention. Très bonne vulgarisation sur un pan d'histoire du Moyen Âge. 


Pas un truc pénible qui aligne les dates et les faits - j'en avais déjà lu un. Non, plutôt un livre sur l'état d'esprit qui régnait au moment des Croisades. Comment l'Eglise a réussi le tour de force de donner sa bénédiction à des soldats qui allaient tuer ? Comment les Byzantins ont réagi - tout bêtement, l'empire byzantin, c'était quoi ? Comment la notion de guerre sainte a vu le jour ? Vraiment intéressant, style très abordable. J'ai appris plein de bricoles, ce qui est bien le but de ce genre de bouquin...




L’une des difficultés auxquelles se heurte toute tentative de raconter les croisades est précisément de trouver l’équilibre entre les deux dimensions : nous devons essayer d’imaginer ces gens qui, d’un côté, croyaient vraiment à ce qu’ils faisaient, mettaient leur vie en jeu pour un but qu’ils estimaient agréable à leur Dieu, étaient fermement convaincus de suivre les traces du Christ en risquant la mort et en affrontant le martyre, et de l’autre savaient fort bien qu’il y avait là pour eux une extraordinaire perspective de conquête et d’enrichissement, une occasion unique de quitter leur petit monde mesquin et d’aller se forger une position plus élevée dans le nouveau monde, l’Outre-mer, comme on disait alors – un terme qui rend très bien l’idée de la grande aventure qu’ils avaient conscience de vivre.


Quand nous parlons de choc de civilisations, nous nous référons généralement à deux mondes étroitement liés l’un à l’autre, ayant des racines communes, qui ont développé deux systèmes d’idées ou de valeurs divergents et qui, précisément parce qu’ils reconnaissent dans l’autre leur propre image, veulent le soumettre, comme ce fut le cas au XXe siècle avec le communisme et le fascisme. Il en va de même pour les croisades : les deux camps opposés, au fond, raisonnaient de la même façon, adoraient le même Dieu avec des modalités différentes, avaient des attitudes mentales analogues, et peut-être est-ce pour cela que leur opposition fut si féroce.

Mythe mité

JFK / Marilyn... Couple glamour, s'il en est... Happy birthday Mr President, et patati et patata... Deux destins tragiques, stoppés net, juste après le sommet de leur gloire respective... Et, surtout, derrière cette façade, une belle liaison et tout et tout, des coulisses moins sympathiques...


JFK est une ordure de première catégorie. Ses liaisons et coucheries multiples et variées feraient passer DSK pour un enfant de choeur. Marilyn, pauvre fille dépressive. Son statut de sex-symbol l'a achevée. Et derrière tout ça, les petits truands, la Mafia, le FBI, les règlements de comptes plus ou moins en famille...


Une image des Etats-Unis bien tristounette, un costard taillé dans le vif avec un style incisif par ce journaliste du Nouvel Obs'... Un humour souvent corrosif ! Cela, j'ai vraiment aimé. On se marre en lisant le bouquin !


C'est quand même un peu longuet... Toutes ces histoires d'écoutes, de mecs butés, de filles faciles... Cela fait frémir quand on sait que, à cette époque, le monde de la Guerre froide était au bord d'une implosion générale... Mais, qu'à cela ne tienne, JFK dorlotte ses putes dans la piscine, jusque dans la nursery de ses enfants !!!


Au final, aucune pitié pour JFK. Marilyn, je la plains. Elle avait le monde à ses pieds et cela l'a dépassée. Quelle ironie !






Morceaux choisis...


Il est vrai que Joe, vedette des stades, idole du base-ball, n’aime pas les soirées, déteste qu’on regarde sa femme comme si elle était à vendre, manifeste une jalousie de bouledogue, insiste pour qu’elle abandonne sa carrière et reste à la maison, pour faire la cuisine. Ce qui est une aberration. Car Marilyn ne sait rien cuisiner d’autre que les carottes (en boîte) et les petits pois (en boîte). Elle trouve que les couleurs vont bien ensemble.


Joe DiMaggio, emberlificoté dans sa cravate et son costume, est mal à l’aise. Il est inculte, ce qui n’est pas grave à Hollywood, bien au contraire.


Marilyn est camée à la gloire. Elle veut être la star des stars, être respectée, être vénérée. Elle exige de l’attention, de l’amour, de la considération, de l’éclat, des vapeurs d’encens, des arômes de myrrhe, un autel en marbre de Carrare et le désir des tous les hommes.


À peine Jackie a-t-elle passé l’anneau à son doigt que son mari est déjà reparti vers d’autres lits. Impossible de le brider. C’est une compulsion, une névrose. Il doit séduire, il doit coucher. Son éthique personnelle est aussi développée que celle de son père : la morale, c’est bon pour les curés, les péquenots et les chaisières. Pas pour nous, les Kennedy !


Le deuxième jour de tournage, Marilyn arrive trois quarts d’heure en retard. Le lendemain, elle pointe à midi. En deux jours, il lui faut trente-quatre prises pour enregistrer quatre mots : « Oh, you, poor prince. » Elle confère avec Paula. Elle bafouille. Elle oublie son texte. Elle laisse tomber la cuillère de caviar qu’elle tient. Exaspéré, Laurence Olivier lui donne un conseil : – Asseyez-vous, Marilyn, comptez jusqu’à trois et dites votre réplique.
Elle le regarde d’un œil vitreux. Olivier cingle : – Sans doute ne savez-vous pas compter non plus ?

Elle a pourri la vie du plateau par terreur et par vice. Elle a voulu montrer qui était la patronne, la vedette, le boss. Elle a réussi. Sans Marilyn, pas de Some Like It Hot. Le hot, c’est elle, personne d’autre.

À Chicago, Marilyn fait la une des journaux. Elle est belle, radieuse, elle semble au sommet de sa vie. Les spectateurs se demandent ce qu’elle fait avec le triste sire qui l’accompagne. Arthur Miller, en smoking, est aussi gai qu’un dimanche de Pentecôte. Quand il sourit, on a l’impression qu’il a des chaussures qui lui font mal aux pieds. Quand il donne une interview, il répond comme s’il calculait, en douce, le montant de ses impôts sur ses doigts.

Jack Kennedy, lui, continue à s’amuser dans sa garçonnière du Carlyle Hotel. Il fait la cour à Sophia Loren, couche avec une étudiante, Helen Chavchavadze, alterne avec Pamela Turnure, fait monter des putes en vrac, et le reste l’indiffère. Chaque soir une autre fille, voire deux ou trois. Quel homme ! Il passe la moitié de son temps à penser aux femmes, et l’autre moitié à coucher avec elles, dit Adlai Stevenson. Ce n’est pas faux.

De temps en temps, Marilyn vient passer la nuit. Elle est plus que jamais la star des stars, la femme la plus sexy de tous les temps, le gros lot inventé par Dieu pour faire crever les hommes de désir. Marilyn, la suprême tentation, la sucrerie ultime. Elle est au sommet du monde : il n’y a pas un père de famille dans le Minnesota ou au Kamtchatka qui ne rêve d’elle, pas un mâle aux îles Kouriles ou en terre de Baffin qui ne prie pour qu’on la lui offre en cadeau. Même les gays se costument en Marilyn, c’est dire.
La fin de l’année arrive. Noël est en vue. Marilyn, un soir, aborde la question du mariage avec JFK, alors que celui-ci pose la main sur sa cuisse et constate qu’elle ne porte pas de culotte. Jack parle net, la main sur l’origine du monde : – Je vais être candidat à la présidence. Je ne peux pas divorcer.
Marilyn baisse les yeux. Elle n’a pas l’habitude qu’on lui dise non.

Du coup, Kennedy prête le flanc à tous les chantages possibles. Il a payé pour le silence d’Alicia Darr, il a payé pour d’autres filles. JFK est peut-être pingre, mais, dans le domaine de la main tendue occulte, il est plutôt prodigue. Il est vrai que la fortune des K. s’élève à 400 millions de dollars, soit près de trois milliards en dollars 2007. Ce sont des économies qui permettent quelques fantaisies. Le danger, c’est que Judy Campbell a des fréquentations inquiétantes. Sam Giancana est son amant. La Mafia et la politique communient dans la même culotte.

Dominant !

J'ai fini hier ce livre... Un peu bizarre... L'histoire est contemporaine. Le principe est le suivant : au Proche-Orient, des terroristes bousillent tout ce qui permet de transporter le pétrole. Chaos mondial à l'arrivée. Panique dans les villes du monde entier, couvre-feu dans le monde entier, émeutes dans le monde entier et le monde entier qui court à sa perte. L'idée, à la base, n'est pas mauvaise et essaie de mettre en perspective la dépendance outrancière que l'homme a par rapport au pétrole.


On suit les pérégrinations d'une famille directement liée au cataclysme car le père de famille, Andy, a fourni à une association aussi secrète que bizarroïde des documents très précis sur le chaos qui résulterait d'un épuisement du pétrole. Lui n'a jamais vu ses employeurs. Pas d'bol, sa fille, par inadvertance, les a vus. Les méchants veulent donc buter la gamine. Bref, on vire au truc super américain, avec des répliques plates, les personnages qui sortent une vanne de la mort avant de mourir... Il y a du suspense, ça oui. On est dans un thriller. Et, sur cet aspect, c'est rondement mené... Faut dire que, pour couronner le tout, le père est en Irak (il est en plein combat, attention, ça décoiffe !), la mère passe un entretien d'embauche à un bout de l'Angleterre (elle veut se séparer d'Andy mais découvrira que c'est le super mec plus que super !), la fille, avec son frère, est bloquée à Londres (Rosbeef capital city) et sa vie n'est pas super rose car elle est aux prises avec les émeutiers qui zigouillent son petit copain, le mec qui veut la buter et les services spéciaux d'une ancienne annexe du FBI - rien que ça ! On sombre dans une sorte de délire assez spécial !

Donc, si je résume, un postulat vraiment intéressant mais la petite histoire à l'intérieur de la grande histoire, bof...

Copies...

Pas facile de corriger!


Florence...

Florence, en ce 25 novembre, je n'oublie pas... J'entends les sirènes qui t'emportent loin, vers la mort. Alors que tu devais être à ton putain de cours de français !!! Que c'est dur de savoir qu'une élève s'est tuée en venant à mon cours... De l'avoir portée "absente" dans le cahier de textes...



C’était juste un lundi comme un autre, un lundi de novembre balayé par le vent d’automne, sur le plateau de Luneray, en Normandie… Juste un matin comme n’importe quel matin pour n’importe quel prof de français qui retrouverait ses élèves de troisième dès la première heure, de 8 heures à 10 heures. Dans la petite salle 207, « ma » salle, étroite, que j’aimais bien malgré tout.
Cette classe, la 3ème3, était une classe franchement sympathique, agréable. J’aimais bien ces élèves et je crois que c’était réciproque. Je les revois, je vous revois : Paul, Sébastien, Charlotte, Carole-Anne, Jessica, Stéphanie, Hélène, Sophie...
Florence.
A la table au fond. Je t’avais isolée, un peu. Tu avais un caractère bien trempé. Un peu fofolle, une énergie difficile à canaliser. Pas méchante pour deux sous, peut-être en manque d’affection. Comme tant d’élèves qui pallient ce manque en se faisant remarquer.
Pour toi aussi, c’était un lundi comme un autre sur la plaine, entre Brachy et Luneray, dans cette si belle campagne normande immortalisée par Maupassant et Flaubert. Une matinée comme un autre. Oui, tu roulais dans les brumes matinales, accrochée au guidon de ton scooter, tout récemment acheté pour ton anniversaire, offert par tes grands-parents quelques jours plus tôt… Tu roulais prudemment, certainement, j’aime me le dire.
Tu pensais peut-être à la note que M. Rio te rendrait dans quelques minutes. Cette interro, bouclée un peu vite, comme à ton habitude, le vendredi précédent. Quand tu m’as eu rendu ta copie, tu m’as demandé pour effacer le tableau. C’est la dernière image que j’ai de toi, avec ton pull rouge, gesticulant devant le tableau, tes yeux planqués derrière tes grosses lunettes. Depuis, c’est exceptionnel que j’autorise un élève à effacer mon tableau. Comment expliquer cela aux volontaires qui croient bien faire ? Je leur explique qu’ils s’y prennent mal et qu’ils laissent souvent plus de traces sur le tableau qu’avant leur passage, ce qui n’est pas faux. Mais qui n’est pas pleinement vrai non plus.
Quelques minutes plus tard, j’accueillais mes élèves. Des sirènes hurlaient au loin, dehors, clairement perceptibles depuis ma salle, déchirant la tranquillité des lieux. J’avais porté ton nom sur le billet d’appel : absente. C’est étrange comme, en y pensant, à nouveau, j’avais un affreux pressentiment. Comme j’en ai l’habitude lorsque j’ai les élèves deux heures à la suite, j’ai laissé un temps de pause. A 9 heures, donc. Ma collègue d’allemand qui assurait ses cours à côté de ma salle commençait sa journée. Elle m’a abordé à la pause, m’a demandé si Florence était là. Ce qui était une question incongrue car, aussitôt, elle m’a dit que Florence venait d’avoir un accident et que c’était grave…
J’aime autant vous dire que c’est dans un état second que j’ai assuré cette seconde heure de cours avec mes troisièmes. Ils ont ressenti cela. Certains avaient surpris ma conversation avec Virginie, ma collègue. A la récré, entre enseignants, nous étions évidemment très angoissés. D’autant que nous avions appris que le témoin de l’accident était l’une de nos collègues. J’ai un souvenir assez flou de ces moments. Je ne revois plus le moment terrible où quelqu’un m’a annoncé que Florence était morte lors de son transfert vers l’hôpital de Dieppe… Comme si on voulait se blinder contre ce genre d’uppercut. Ma grande copine du bahut, Ingrid, m’a dit que, en arrivant au collège, elle avait croisé une estafette du SAMU, sirènes hurlantes, fonçant à toute vitesse sur les routes sinueuses, vers Dieppe.
A quoi pensais-tu, au moment d’arriver sur Luneray, Florence, avec tes yeux planqués derrière tes lunettes et sous ton casque tout neuf ? Tu sais, dans ce double virage en léger devers qui traverse l’ancienne voie de chemin de fer ? Tu sais, ce moment où, face à toi, tu as vu un véhicule qui doublait un tracteur en ignorant la ligne blanche ? Ce véhicule qui t’a fauchée, avec ton scooter, avec ta vie.
Oui, ta vie… As-tu eu le temps de penser à ce casque que tu n’avais pas attaché ? As-tu eu le temps de penser à ta maman, à ta petite sœur ? Ta maman que j’allais revoir quelque temps plus tard, qui me dirait que, chaque nuit, ta petite sœur te réclame et que, à elle, personne n’a encore eu le courage de lui dire la vérité…
As-tu, comme tes camarades, comme moi, entendu  ces sirènes qui t’emmenaient loin, si loin ? Plus loin que Dieppe, en tout cas. Au-delà des falaises, de la mer, du monde des vivants.
A l’époque, il n’y avait pas les téléphones portables, comme aujourd’hui. C’est donc une rumeur insidieuse qui s’est installée, toute la matinée. Il a été décidé que, à 13h30, la classe serait prise en charge par plusieurs enseignants. Je me revois, dans la salle de maths, faire face à 25 élèves qui savaient, plus ou moins. Je revois Monique, professeur chevronnée, la prof principale,  renoncer à annoncer la nouvelle, je me revois prenant le relais. Cela ne peut se raconter. Jamais je n’ai eu le sentiment, dans le cadre de mon métier, d’être autant une bouée de sauvetage pour les autres qu’à ce moment précis. Les élèves pleurent contre vous, vous avez leurs larmes qui coulent dans votre cou. Les frontières n’existent pas et, pour une fois, c’est bien ainsi.
Des larmes, des larmes et, ce qui m’a le plus impressionné, dans ce collège de 480 élèves, un silence de plomb pendant plusieurs jours. Un vrai silence. Pas même un murmure. Rien.
Vendredi, ce serait l’enterrement, vers 10h30…
Lente procession, sous la pluie battante, pour aller à l’église de Luneray. Combien étions-nous ? Une dizaine de professeurs, 70, 80 élèves ? Je me revois soutenir une élève, Clémence, à l’entrée de l’église… Je me revois, assis, bouleversé… L’église était comble… Une émotion absolument insoutenable car c’était comme un deuil collectif. Ces minutes dehors, alors que seule la famille était restée avec le cercueil dans l’église, ces minutes, sous la pluie, interminables…
L’après-midi, terrible, face à moi, cette classe, toujours, élèves en noir, professeur en noir… Les élèves n’avaient que français l’après-midi. J’avais espéré qu’ils resteraient chez eux après la cérémonie. Il n’en a rien été.
J’ai été marqué à vie par cet accident. Ce n’est pas pour cela qu’on est professeur… Toute l’année, il nous a fallu accepter de vivre, dans cette salle, avec une table définitivement vide. Plus jamais je n’ai fait l’appel dans cette classe. Je me contentais de compter les élèves, ne voulant pas conclure l’appel par la mention d’une élève que j’avais portée absente un lundi matin de novembre comme les autres. Cette habitude, d’ailleurs, de simplement compter les élèves, depuis, ne m’a pas quitté.
Florence, je pense à toi et à ces deux autres élèves que j’ai côtoyés, morts trop tôt. Julien, un dimanche matin, non loin de chez moi, pulvérisé sur le capot d’une camionnette, au guidon de son scooter. Matthieu, « Matt », le beau gosse de Luneray, amateur de vitesse, de belles voitures et de jolies filles, renversé tranquillement alors qu’il circulait à vélo par un récidiviste qui a pris la fuite, a fait croire que c’était sa compagne qui était au volant et, seulement, après avoir permuté les places dans la voiture, est revenu voir le corps mort de sa victime. J’ai souvenir aussi, d’un drame qui avait ému les collègues plus anciens : une élève tuée sur la grande route de Dieppe à Ouville, qui s’est rabattue trop tôt sur un camion au terme d’un dépassement hasardeux… Plus récemment, alors que j’étais en poste à Revin en lycée, je me souviens de profs bouleversés par la mort d’un élève du collège dépendant de la même cité scolaire : renversé au niveau de la friterie, là, après le rond-point de la gare. Cela fait beaucoup. Beaucoup trop.
Alors, je peste, je fulmine toujours contre tous ces jeunes James Dean des bacs à sable qui dévalent les routes au guidon de leur deux-roues. Un accident est si vite arrivé… Inutile de forcer le destin. Quatre ans dans ce collège normand et trois églises pleines à craquer. Cela n’arrive pas qu’aux autres, malheureusement. Oui, je rage contre mes élèves à vélo, sans lumière, dans l’aube ardennaise, ceux qui roulent sur les trottoirs et qui, sans rien regarder, sautent pour rouler sur la route, ceux qui grillent les priorités. On n’est pas immortel dans une voiture. Encore moins sur un deux-roues. Je ne me prive pas d’engueuler copieusement mes élèves lorsque je les ai surpris en train de faire les cons sur la route. L’an dernier, j’ai eu un accrochage verbal assez violent avec un élève car, en classe, je lui ai fait la remarque que, pour venir à mon cours, lui et ses copains avaient allègrement brûlé un feu rouge (qui fonctionne de concert avec un passage à niveau qu’ils ont franchi sans rien regarder), m’obligeant à me déporter sur la file opposée. Et bien cet élève a trouvé que je n’avais pas à lui faire ce genre de remarque… Il aurait été préférable, certainement, que je ne me déporte pas. Qui j’étais, moi, le con adulte pour lui expliquer comment on roule sur une bicyclette ? Pour moi, ma classe est le lieu pour parler de cela, pour parler de civisme, des dangers de la route, de la drogue, de l’alcool, des MST. On parle de tout, dans me cours, je l’assume et je le revendique. D’autant que, en troisième, l’expression de son opinion est au cœur des programmes. Jusqu’à preuve du contraire, les élèves de troisième passent une attestation de sécurité routière dont l’obtention est obligatoire pour s’inscrire dans une auto-école. Mais, non, cet élève n’en démordait pas.
Oui, un lundi matin, comme les autres, vraiment. Si ce tracteur n’avait pas été là, si l’automobiliste – le père d’un élève de la classe dont j’étais le professeur principal, soit dit en passant – n’avait pas franchi l’interdit de cette ligne blanche, je ne serais pas là, à écrire sur toi, Florence.
Un lundi comme les autres. Ce 25 novembre 2002.
Je pense à toi, souvent. Je parle de toi à mes élèves. Je ne t’oublie pas. Dans mes archives, j’ai toujours la copie que je n’ai jamais rendue. Je la conserve. Je ne sais plus si c’est une bonne ou une mauvaise note.
Je m’en fous.
Je garderai cette copie.
Toujours. Avec le regret, aussi triste que lancinant, de n’avoir jamais pu te la rendre…

Un jour de retard...

L'un de mes artistes préférés a écrit une chanson sur le 11 novembre... Le Remembrance Day. Ce n'est pas la meilleure chanson de Bryan Adams mais les paroles sont intéressantes. Bel hommage.

Une pensée pour le frère de mon grand-père maternel, mort au combat le 23 avril 1915. 23 avril, c'est aussi le jour de mon anniversaire. Pour mon grand-père, j'ai rétrospectivement compris que cette date n'avait jamais dû être joyeuse.

Mon grand-père a toujours refusé que le nom de son frère figure sur le monument aux morts de son village de la Drôme. Une manière de contester les sacrifices inutiles de tant de chair si jeune...

Le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich

HHhH.

Quatre lettres pour quatre mots allemands que l'on traduit ainsi : le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Quand j'ai récupéré ce livre, le titre m'avait interloqué. Je m'étais gardé ce bouquin bien au chaud car j'adore tout ce qui touche à l'histoire, particulièrement à la seconde guerre mondiale.

On ne sait pas trop si l'auteur fait oeuvre d'historien ou de romancier. Il écrit l'Histoire, fait de nombreux développements pour expliquer ses doutes sur ce qu'il écrit. C'est tout simplement passionnant. Quand on raconte l'Histoire, on reconstruit, on re-fait. C'est valable aussi, selon moi, pour l'autobiographie qui n'est que reconstruction et qui est donc souvent omission ou arrangement inconscient avec la vérité.

L'histoire, en l'occurrence, est très simple : c'est l'assassinat par trois courageux bonshommes tchèques et moraves de l'une des pires pourritures qui a sévi sur terre : Heydrich, le grand promoteur de la Solution finale, le fidèle des fidèles auprès d'Hitler.



Laurent Binet, l'auteur, trouve un ton décalé pour raconter cela. Parfois avec un humour noir hyper grinçant qui reste toujours dans la décence, la mesure. Qui ne se prive pas de traiter Goering de "gros porc", qui raille le système nazi. L'auteur se met carrément en scène, il vit l'histoire avec un "je" qui implique nécessairement le lecteur. Il souffre car il ne peut réécrire l'Histoire et il sait, comme tout lecteur averti, qu'Heydrich va mourir et que ses assassins seront trahis. On est loin du morbide à outrance des Bienveillantes que j'avais trouvé si indigeste. On n'est jamais dans le pathos. On est dans un ton unique.

L'auteur s'arrête aussi sur les représailles, le dilemme des des trois assassins. Mais, malgré la vengeance terrible des nazis aux alentours de Prague, l'auteur s'adresse aux assassins et leur dit qu'ils ont eu raison.

Une réussite.

Plan de classe

Comme je m'y étais engagé auprès de plusieurs familles lors de la réunion parents-profs, j'ai établi pour chaque classe un "plan de classe". Je suis assez opposé à ce principe qui ne favorise pas la responsabilisation de l'élève mais, bon...

Désormais, les élèves seront placés et j'estime que, dès à présent, les élèves qui bavarderaient seraient en faute complète puisque j'estime que la place que j'ai assignée doit les empêcher de parler. Ils s'exposeraient alors à des sanctions immédiates.

Nostalgie !

Un peu d'émotions en ce bas monde...

J'avais rendez-vous hier soir avec une douzaine d'anciens élèves normands... J'ai vu défiler toutes ces années durant l'heure de route qui m'a mené de Rouen à Dieppe.

Revoir d'anciens élèves, de cette manière, c'est presqu'improbable.

Certains que j'ai eus il y a 11 ou 12 ans, certains qui m'ont supporté trois ans de suite !!! J'en avais revu quelques-uns déjà, il y trois ans et même encore avant... Cela fait bizarre mais j'ai passé un très bon moment en leur compagnie et, quelque, part, c'est très gratifiant ! Je vois surtout avec plaisir que tous ont bien mené leur barque.



Être enseignant, c'est aussi vivre ce genre de moments, hors du temps, un peu étranges...

Et c'est bien !!!

Un livre bien, sans plus !

Alexandre Jardin, c'est plutôt un auteur léger, que j'ai découvert et, un peu, apprécié, avec Fanfan. C'est aussi un homme hanté par un lourd passé familial : son grand-père était directeur de cabinet de Pierre Laval au moment des rafles mises en oeuvres par les autorités de collaboration. Ce poids dont il faut s'affranchir, c'est l'objet du livre.

On a donc une sorte de long monologue, pas toujours bien linéaire... La démarche est louable. Pas universelle. Je n'ai pas trop adhéré. D'un point de vue strictement littéraire, c'est bien écrit. Malheureusement, les deux derniers chapitres - Jardin imagine la rencontre qu'il aurait pu avoir avec son grand-père au moment de la rafle du Vél d'Hiv - sont complètement escamotés alors que l'idée me paraît géniale...

Tintin !

Je suis allé voir Tintin hier, en Imax 3D - je crâne un peu, je ne savais même pas ce que c'était ;-) Bref, affublé de lunettes super sexy, on assiste à un très beau film... Beaucoup, beaucoup d'action. Les scénaristes ont fait preuve d'une inventivité phénoménale : la poursuite dans la ville avec Milou sur le camion des pompiers, la poursuite au Maroc après le faucon, les scène d'abordage avec les pirates, le combat de grues portuaires...

On est relativement loin des albums d'Hergé (qui bénéficie d'un joli clin d'oeil en début de film). C'est plus un film d'aventures qu'un film estampillé Tintin, je trouve. J'aurais presque préféré retrouver Indiana Jones à la place de Tintin. Il y a d'ailleurs de nombreuses similitudes entre la série des Indiana Jones et ce premier volet des aventures de Tintin : l'hydravion, la moto et son side-car, etc.


Un film à découvrir, vraiment. Je vais voir comment on peut exploiter cela, pédagogiquement parlant...

Dickens !

Durant les vacances de Noël, mes élèves liront un conte bien connu de Dickens qui s'intitule Un conte de Noël ou Un chant de Noël, selon les traductions. L'histoire de Scrooge, ce vieil avare incurable, qui a d'ailleurs inspiré Walt Disney au moment où il a bien fallu trouver un nom de baptême à celui qui, en France, est Picsou. Les studios Disney ont signé une adaptation, aussi introuvable que magnifique, de ce petit conte.



C'est un hasard mais j'ai récemment découvert que l'on célébrerait le bicentenaire de cet auteur anglais qui, pour donner un ordre d'idée, est au Rosbeef-land ce que Hugo est à la France...

Nous verrons donc à mener un petit travail conjointement avec l'anglais.

http://www.myboox.fr/actualite/charles-dickens-200-ans-qui-etait-il-vraiment-9987.html

Moyen Âge !

Je viens de mettre à jour le site "sur les i". J'ai mis en ligne quelques éléments sur la séquence 3 que je viens de boucler. Cette découverte de Lancelot nous mènera jusqu'en décembre / janvier et clôturera la thématique médiévale.

Nous reviendrons bien évidemment sur la sortie à Hierges que nous avons effectuée ce lundi 17. Je vais collecter des photos parmi vous et, pourquoi pas ? lancer un appel pour faire un ou deux exposés sur cette sortie locale. Nous mettrons aussi à profit une heure de cours, dans chaque classe, pour nous rendre à l'exposition de l'Office de Tourisme Communautaire, à côté du collège, probablement en novembre.

Je verrai à la rentrée, avec Mlle MOUCHETTE, à établir un questionnaire-bilan sur la sortie et un beau diaporama sur le Moyen Âge avec des photos de Hierges mais aussi de Dinan (en Bretagne) où je suis allé cet été (très belle ville fortifiée) Je rentre sur ma bonne ville (natale) de Rouen dans les prochains jours et je vais essayer de mitrailler quelques clichés des (nombreuses) rue médiévales, du donjon et de la cathédrale.

Trois ou quatre évaluations sont à prévoir d'ici les conseils de classe : tests de lecture sur Tristan et Lancelot, GOC1 et première évaluation de la séquence 2.

Pour ma part, comme j'ai bien avancé le boulot pour les trois classes, je vais me consacrer au travail que je dois effectuer pour le CNED, avec une première séquence à livrer pour le 30 novembre !

Bonnes vacances à tous,

Séb RIO

Deux livres à lire, en rapport avec nos séquences médiévales

J'ai fait commander par le CDI deux bouquins qui intéresseront les amateurs d'histoire parmi vous... Mlle JODOCIUS m'a dit hier que ces ouvrages étaient arrivés. Vous pourrez les emprunter à la rentrée...



A lire et à vomir...

J'ai attaqué il y a déjà quelque temps ce bouquin de Pierre Péan. Pierre Péan a d'abord fait sensation, il y a une quinzaine d'années, lorsqu'il a évoqué le passé de Mitterrand, encore Président, durant la guerre. Ce pavé, je l'ai lu de manière discontinue, interrompu par des séances de corrections de copies, par l'âpreté du sujet relativement complexe - je ne touche pas une bille en économie.

Pierre Péan s'attaque en effet au financement occulte des partis de notre bonne vieille République, particulièrement à droite puisque, à gauche, ils ont été plus couillons : non contents de se faire choper, les acteurs de malversations ont été jugés et condamnés - affaire Urba, affaire Elf. Là, donc, on s'intéresse de près au financement de la campagne de Balladur (contre Chirac) puis à l'opposition entre Villepin et Sarkozy autour de l'affaire des frégates et de Clearstream.



Je sors de ce bouquin vraiment assommé par ce que j'ai lu. La corruption existe à tous les niveaux. Elle est tacite, au vu et au su de chacun. Ce n'est que copinage et compagnie et on oppose de faciles "secret défense" à l'explosion de la vérité. Le souci, de plus, c'est que le livre est très précis, très documenté. L'auteur n'invente rien et, lorsqu'il a un doute, il le mentionne explicitement.

Au moment où j'ai lu ce livre, par hasard, la presse s'intéressait aux acteurs et aux événements de toutes ces affaires et venait ainsi corroborer les affirmations de Péan : Karachi, la mise en examen (avant-hier) de Squarcini, la Lybie jadis protégée par notre actuel Président. Péan passe tout à la moulinette, au broyeur...

A lire pour comprendre l'affaire Clearstream, à lire pour se guérir de toute tentation politique... Cela donne le tournis...

Hierges ce lundi

Bon, sortie à Hierges ce lundi 17.

Départ du collège un peu après 8 heures, le temps de faire l'appel et de nous mettre en route.

A 10 heures, visite du château avec M. Durracq et le baron, propriétaire des lieux.

A 11h30, nous pique-niquerons devant le château - ou dans Hierges, on verra.

A 14 heures, visite de la collégiale avec M. Devresse.

A 16h30, nous serons de retour au collège.

Profitez de cette journée qui s'annonce ensoleillée. Respectez les consignes et comportez-vous correctement lors de cette découverte d'un patrimoine locale très riche !

Une vie française

Bon, le titre est un peu présomptueux. Je ne connais pas cet auteur et,d'ailleurs, les notices biographiques sur lui ne sont guère étoffées sur le net...

Ce que j'avais lu sur le bouquin m'intéressait : l'auteur raconte une vie - la sienne, si j'ai bien compris, en gros - en l'inscrivant parallèlement à l'histoire politique de la France. Je trouvais l'idée intéressante, d'autant que cet auteur est de la génération de mes parents et que le fils du personnage principal est né la même année que moi comme je le découvrirais en lisant le livre. Les chapitres sont d'ailleurs découpés au rythme des changements politiques successifs de la Vème république. Au final, cela n'apporte pas grand-chose. D'ailleurs, dans le dernier tiers du livre, les événements politiques sont à peine mentionnés.


Une vie française, c'est celle de Paul Blick. Il vivra toujours dans l'ombre d'un frère disparu alors qu'il était encore tout jeune. Sa vie est banale marquée par un engagement politique forgé par mai 68. Le personnage principal connait un jour, presque par hasard, le succès en librairie en réalisant en photographiant des arbres dont les clichés, édités sous la forme de beaux ouvrages, se vendent comme des petits pains. Une ascension fulgurante alors que son ménage coule doucement... Le dernier tiers du livre devient même carrément une descente aux enfers vertigineuse. Tout s'effondre dans la vie de Paul

Mais l'écriture rend compte avec une lucidité poignante de cette chute. Car ce que Dubois écrit sonne juste. Le bouquin pourrait être insipide mais, au final, sur de nombreux sujets qui posent forcément question pour un adulte, pour un citoyen, pour un père, l'auteur implacable colle des mots précis et choisis pour parler de la mort (des autres, surtout), des enfants (les siens), des femmes (la sienne mais, aussi, celles qu'il emprunte aux autres), de la religion (il n'en a pas), de la politique (il est sans opinion), du désenchantement de la vie. Dans le même esprit, même si cela n'a pas grand-chose à voir, je préfère la légèreté et la truculence d'un Beigbeder...

Sortie Hierges

Je suis en train de finaliser les détails de la sortie pédagogique qui permettra aux élèves de (re)découvrir le patrimoine local, particulièrement les sites datant du Moyen Âge et de la Renaissance.

C'est le cas du château de Hierges, édifié sur un ancien emplacement occupé par les Romains, d'abord fortifié au XIIème siècle puis, suite à une destruction en 1545, rebâti dans l'esprit de la Renaissance (contemporain de Chambord)

Le baron, propriétaire du château, et M. Durracq m'ont accueilli samedi dernier pour une visite complète des lieux, me montrant des objets et des pièces habituellement non accessibles aux visiteurs.

En principe, nous visiterons le château lundi 17 octobre de 10 heures à 11 h 30. Je suis en train d'organiser la visite de la collégiale pour l'après-midi, dont l'implantation originelle est de l'époque carolingienne. La crypte est de cette période. Si nous avions le temps, un détour par le camp romain serait bienvenu. On verra. Le périple se fera à pied, soit une dizaine de kilomètres en tout. Nous devrions pique-niquer à Hierges ou aux abords de la collégiale. Bien entendu, un équipement adapté sera de rigueur.

Si l'occasion se présente, je compte emmener les élèves à l'expo de l'Office du Tourisme. Là encore, il faut s'organiser.

Souvenir...

Petit clin d'oeil à un monsieur qui est venu à plusieurs reprises ces deux dernières années au collège pour évoquer, avec M. François, ancien combattant des FFI, la réalité des combats dans la Pointe durant le Seconde Guerre mondiale. Des interventions qui avaient captivé  et ému les élèves de troisième !

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/souvenir-francais-octave-dahout-tire-sa-reverence

Sécurité routière

J'ai passé un message assez fort aux 5C ce matin... Je ne m'étendrai pas sur les raisons qui ont justifié mon coup de gueule...

Je vous rappelle (et je viens de le vérifier) qu'il est obligatoire de disposer, sur son vélo, d'un système d'éclairage adéquat, de nuit et, aussi, de jour, lorsque la visibilité est réduite (ce qui était bien le cas, ce matin)

La nuit, il est obligatoire, depuis 2008, de circuler en plus avec un gilet jaune.

C'est la loi... On aime ou on n'aime pas, là n'est pas la question.

J'ai parlé aux 5C de cette élève, Florence, qui a été tuée alors qu'elle se rendait à mon cours. C'est toujours avec beaucoup d'émotion que j'évoque son souvenir. J'ai tapé il y a un ou deux ans un petit texte sur ce tragique événement.

Vous pouvez le lire en cliquant ici.

Précaution ultime : à ne pas lire !!!

C'est l'histoire de Pascal ou, plutôt, la non-histoire de Pascal, il fonce vers la quarantaine, le gars, il a une femme, pas de maîtresse, une fille au collège et un garçon qui découvre la seconde et tous les bienfaits qui vont avec : le shit, le sexe, etc. Pascal a une pauvre vie, il prend le RER pour aller au boulot, 13 minutes de marche à l'aller, idem au retour, je le précise parce que, dans le livre, on y a droit une vingtaine de fois, c'est donc que ça doit être un détail super important.


Il est bizarre, Pascal... Il vit une sorte de vie fantasmée, notamment avec le collègue de sa banque, Lionel, qui, chaque midi à la cantoche, raconte ses exploits nocturnes avec toutes les femmes qu'il séduit. Sympa, ce personnage, les vingt premières pages, on rigole et puis on comprend que ce sera un motif récurrent du bouquin. On se dit : punaise, il est lourdingue, ce mec. Et puis, on finit par se dire : punaise, il est lourdingue, ce livre. Vu que de jeunes élèves peuvent lire ces lignes, je passe sur toute une partie uniquement consacrée à une pratique sexuelle. Doit y a voir un truc psychologique là-dedans, une grosse frustration de l'auteur, certainement... Le mec, il est obsédé par les parricides et il a la trouille que son rejeton passe à l'acte...


Bref, hormis dans les deux dernières pages, il ne se passe rien... C'est nul ! Et, encore, si c'était bien écrit ! Mais, non, même pas... Une sorte de bouillie littéraire sans âme... J'ai terminé le livre par principe. Je voulais l'achever. Avant qu'il m'achève ! C'était lui ou moi. J'ai fini par gagner !

Mystérieux Vireux

Je reviens de l'inauguration de l'exposition "Mystérieux Vireux" à laquelle M. Devresse m'a gentiment convié - et je l'en remercie.

Je n'ai fait que parcourir les rayonnages avant les discours puis je me suis éclipsé. Je reviendrai prochainement pour approfondir la découverte de cette exposition car, d'emblée, elle m'a semblé très intéressante et, de surcroît, en pleine adéquation avec le programme de l'année de cinquième.

Plusieurs campagnes de fouilles ont jalonné la vie viroquoise ces dernières décennies. Les pièces découvertes ont été remises au Musée de Charleville. Le temps de cette exposition temporaire, les objets sont exposés à côté du collège, dans l'office de Tourisme Communautaire. Cela vaut le détour et je vais me débrouiller pour y emmener successivement mes trois classes.

Ce moment a été pour moi l'occasion de faire la connaissance d'un monsieur - dont je ne suis pas sûr d'orthographier correctement le nom - qui me fera visiter le château de Hierges samedi afin de préparer la venue des trois classes dans le courant du mois d'octobre...

Cliquez sur l'image pour vous rendre sur la page officielle de l'exposition...

Et de 3 !!!

Je viens de finir le dernier volume de la trilogie Millenium. Une suite était prévue mais l'auteur est décédé.

Comme pour le premier volume, pour ce tome, le dénouement est fermé et on ne restera pas sur sa faim.

Ce troisième bouquin est la suite immédiate du deuxième tome - contrairement au tome II qui n'était pas la suite immédiate du premier. Que dire ? Cela s'essouffle... La première partie du bouquin est franchement éreintante. On navigue au coeur de la Sapö, sorte de police des polices suédoise... On s'y perd un peu... On nous inflige la biographie inintéressante d'un mec qui va de toute façon mourir très vite... L'intrigue principale est parasitée par une intrigue secondaire complètement superficielle autour d'Erika Berger.

L'intrigue, c'est justement que l'on retrouve notre Lisbeth, à l'hôpital, après avoir reçu une balle dans la tête alors qu'elle voulait buter son père, protégé par les services secrets suédois car c'est un ancien espion, etc. Je passe les détails. Certaines personnes ont de très bonnes raisons de vouloir réduire au silence Lisbeth qui connaît tout de l'importance de son père qui était, au passage, un sacré fumier. Mais, de par son importance, le papa en question a été protégé au plus haut niveau et c'est Lisbeth qui en a fait les frais à chaque fois. On retrouve notre ami Mickaël Blomkvist, toujours dans les bons coups, qui va aider notre Lisbeth dans des circonstances parfois assez délirantes et peu crédibles - et oui, il y a pas mal d'invraisemblances dans le livre. A commencer par le fait que Lisbeth et son père, après leur rendez-vous mortel manqué, se retrouvent dans le même hôpital, dans le même couloir, sans surveillance policière !!!

Au trois quarts du livre, on comprend que les gentils vont gagner. Le suspense n'existe plus. La seule question qui prévaut : comment les gentils vont-ils gagner ?

La fin du récit est très Bisounours. Tout finit bien dans un monde, mon Dieu, qu'il est beau... Tous les salauds sont morts ou en taule... That's all, folks !


Bref, j'ai lu par principe. Pas envie de m'être farci les 1500 pages des premiers romans pour tomber en panne sur le dernier. Rien de transcendant... Le premier des trois était le meilleur, cela partait un peu en vrille avec le deuxième... Le troisième confirme un certain vide...

Magnifique !

Je parlais de Pagnol, ce matin, avec mes élèves... Les dernières pages du Château de ma mère, absolument magnifiques...

Oui, dans mes cinq lectures préférées, on trouve Pagnol. Il y côtoie Ken Follett, Laclos, Céline et Hugo.




LE temps passe, et il fait tourner la roue de la vie comme l'eau celle des moulins.
  Cinq ans plus tard, je marchais derrière une voiture noire, dont les roues étaient si hautes que je voyais les sabots des chevaux. J'étais vêtu de noir, et la main du petit Paul serrait la mienne de toutes ses forces. On emportait notre mère pour toujours.
  De cette terrible journée, je n'ai pas d'autre souvenir, com- me si mes quinze ans avaient refusé d'admettre la force d'un chagrin qui pouvait me tuer. Pendant des années, jusqu'à l'âge d'homme, nous n'avons jamais eu le courage de parler d'elle. Puis, le petit Paul est devenu très grand. Il me dépassait de toute la tête, et il portait une barbe en collier, une barbe de soie dorée. Dans les collines de l'Étoile, qu'il n'a jamais voulu quitter, il menait son troupeau de chèvres ; le soir, il faisait des fromages dans des tamis de joncs tressés, puis sur le gravier des garrigues, il dormait, roulé dans son grand manteau : il fut le dernier chevrier de Virgile. Mais à trente ans, dans une clinique, il mourut. Sur la table de nuit, il y avait son harmonica.
  Mon cher Lili ne l'accompagna pas avec moi au petit cimetière de La Treille, car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles : en 1917, dans une noire forêt du Nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms…
Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins.
  Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. 
  ENCORE dix ans, et je fondai à Marseille une société de films. Le succès couronna l'entreprise, et j'eus alors l'ambition de construire, sous le ciel de Provence, la « Cité du Cinéma » ; un « marchand de biens » se mit en campagne, à la recherche d'un « domaine » assez grand pour accueillir ce beau projet. Il trouva mon affaire pendant que j'étais à Paris, et c'est par le téléphone qu'il m'informa de sa découverte. Mais il m'apprit en même temps qu'il fallait conclure la vente en quelques heures, car il y avait d'autres acheteurs. Son enthousiasme était grand, et je le savais honnête : j'achetai ce domaine sans l'avoir vu.
  Huit jours plus tard, une petite caravane de voitures quitta les studios du Prado. Elle emportait les hommes du son, les opérateurs de la prise de vues, les techniciens des laboratoires. Nous allions prendre possession de la terre promise, et pendant le voyage, tout le monde parlait à la fois. Nous franchîmes une très haute grille, déjà ouverte à deux battants.
  Au fond d'une allée de platanes centenaires, le cortège s'arrêta devant un château. Ce n'était pas un monument historique, mais l'immense demeure d'un grand bourgeois du Second Empire : il avait dû être assez fier des quatre tours octogonales et des trente balcons de pierre sculptée qui ornaient chaque façade...

  Nous descendîmes aussitôt vers les prairies, où j'avais l'in- tention de construire les studios.
  J'y trouvai des hommes qui dépliaient des chaînes d'arpen- teurs, d'autres qui plantaient des jalons peints en blanc, et je regardais orgueilleusement la naissance d'une grande entrepri- se, lorsque je vis au loin, en haut d'un remblai, une haie d'arbustes... Mon souffle s'arrêta et, sans en savoir la raison, je m'élançai dans une course folle à travers la prairie et le temps. Oui, c'était là. C'était bien le canal de mon enfance, avec ses aubépines, ses clématites, ses églantiers chargés de fleurs blanches, ses ronciers qui cachaient leurs griffes sous les grosses mûres grenues...
  Tout le long du sentier herbeux, l'eau coulait sans bruit, éternelle, et les sauterelles d'autrefois, comme des éclaboussu- res, jaillissaient en rond sous mes pas. Je refis lentement le chemin des vacances, et de chères ombres marchaient près de moi.
  C'est quand je le vis à travers la haie, au-dessus des platanes lointains, que je reconnus l'affreux château, celui de la peur, de la peur de ma mère.
J'espérai, pendant deux secondes, que j'allais rencontrer le garde et le chien. Mais trente années avaient dévoré ma vengeance, car les méchants meurent aussi. Je suivis la berge : c'était toujours « une passoire », mais le petit Paul n'était plus là pour en rire, avec ses belles dents de lait...

  Une voix au loin m'appela : je me cachai derrière la haie, et j'avançai sans bruit, lentement, comme autrefois... Je vis enfin le mur d'enceinte : par-delà les tessons de la crête, le mois de juin dansait sur les collines bleues ; mais au pied du mur, tout près du canal, il y avait l'horrible porte noire, celle qui n'avait pas voulu s'ouvrir sur les vacances, la porte du Père Humilié...
  Dans un élan de rage aveugle, je pris à deux mains une très grosse pierre, et la levant d'abord au ciel, je la lançai vers les planches pourries qui s'effondrèrent sur le passé. Il me sembla que je respirais mieux, que le mauvais charme était conjuré.
  Mais dans les bras d'un églantier, sous des grappes de roses blanches et de l'autre côté du temps, il y avait depuis des années une très jeune femme brune qui serrait toujours sur son cœur fragile les roses rouges du colonel. Elle entendait les cris du garde, et le souffle rauque du chien. Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable, elle ne savait pas qu'elle était chez son fils.