Bienvenue !

"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Lecture de Pâques

Disparitions en cascades dans ce qui ressemble à une quête pour le trésor des templiers... Suspense, rebondissements, rencontres improbables, un peu de Jésus ressuscité par-ci, un peu de suaire de Turin par-là... On suit les péripéties de Cotton Malone du Danemark vers la France, un peu irrité par certaines facilités, de l'Indiana Jones sans le fouet, du Dan Brown sans véritable éclat, du Druon sauce américaine... Sympathique, sans plus.



"Monsieur Malone, dites-moi, vous qui êtes avocat, si une cour de justice devait se fier aux témoignages de Matthieu, Marc, Luc et Jean pour prouver l’existence de Jésus, conclurait-elle qu’il a réellement existé ?

— Certainement, ils parlent tous les quatre de Jésus.

— Si cette même cour devait déterminer lequel des quatre témoignages est fidèle à la réalité, quelle serait sa sentence ?

— Qu’ils le sont tous.

— Que feriez-vous des variations entre les divers témoignages ? »

Il ne sut que répondre."

"Il n’y a rien de littéral dans la Bible. C’est un conte truffé de contradictions que seule la foi permet d’expliquer. Cela devait marcher il y a mille ans, peut-être encore il y a cinq siècles, mais cette explication n’est plus acceptable aujourd’hui. L’homme moderne remet en cause ce genre de concept. C’est ce que faisait votre mari."

"L’art, l’architecture, la musique, les lettres, la société elle-même sont devenus les esclaves du christianisme. Cette religion a fini par modeler à elle seule la civilisation occidentale, et tout cela n’est peut-être fondé que sur un mensonge. Vous n’avez pas envie de savoir ?"

"Pas la moindre référence à Jésus dans les écrits qui nous sont parvenus. Seul le Nouveau Testament en parle. Ce livre lui est entièrement consacré. Et pourquoi ? Vous le savez aussi bien que moi. Si Jésus a bien existé, il prêchait la bonne parole dans les recoins les plus obscurs de la Judée. Personne ne faisait attention à lui. Les Romains s’en moquaient éperdument, tant qu’il n’incitait pas le peuple à la rébellion. Et les Juifs se contentaient de se disputer entre eux, ce qui convenait parfaitement aux Romains. Jésus n’a fait que passer. Il n’avait aucune importance. Pourtant, aujourd’hui, des milliards d’êtres humains le connaissent. La religion chrétienne compte le plus grand nombre de fidèles au monde. Et il est leur Messie, dans tous les sens du terme. Le Christ ressuscité. Rien de ce que vous pourrez découvrir n’y changera quoi que ce soit."
Sur les conseils d'un collègue de ma femme, j'ai attaqué le premier tome de la saga Millénium de Larsson. 600 pages lues en une poignée d'heures... Prenant... Un journaliste condamné pour diffamation dans une affaire de gros sous est engagé par un ancien patron richissime qui le charge d'enquêter sur le meurtre de sa petite-nièce, disparue des années plus tôt... Une ambiance glauque - un peu trop poussée, parfois, sur le "trash" -, un suspense bien fichu... Ce livre ne révolutionnera pas la littérature mais je vais m'attaquer très vite au tome deux...

A défricher !

"Et puis un jour, en comptant les pigeons, on tombe par coïncidence sur une grand-mère vacante et on finit avec la peste, les Jivaro et ce pauvre monsieur Gary qui pleure encore sur sa mère. Et cette gamine à Venise sauf qu’en fait c’est dans l’océan. Sans vous parler du dictionnaire qui est quand même un bouquin prenant, vu le temps qu’on y perd pour trouver quelque chose. Et petit à petit, on voit plus rien pareil. On s’intéresse plus aux mêmes choses. "


Petite découverte dévorée en quelques heures... Un homme un peu simplet nous narre sa rencontre avec une petite vieille de 86 ans... Une trame touchante, pleine de digressions, un style qui mixe Céline et Goscinny, de l'humour, de la dérision...


"Si être intelligent, c’était qu’une question de volonté, je serais un génie, je peux dire. Parce que j’en ai fait, des efforts. J’en ai fait ! Mais c’est comme si je voulais creuser une tranchée avec une cuillère à soupe. Tous les autres ont des tractopelles, et moi je suis là comme un con. C’est le cas de le dire."

"Moi, je me paume. Je pars d’un truc, ça me fait arriver à un autre, et un autre, et un autre, et lorsque j’ai fini, je ne sais plus du tout de quoi je vous parlais. Et si quelqu’un me coupe la parole, ça m’emberlificote encore davantage, ça vire au sac de nœuds."

"Peut-être qu’avec un autre maître ça n’aurait pas été pareil, ma vie ? Comment savoir ? Je dis pas que je suis crétin à cause de ce type, je l’étais déjà, j’en suis sûr. Mais quand même, il m’a bien savonné la planche, celui-là. Je peux pas m’empêcher de penser que d’autres y auraient vissé deux, trois prises, au contraire. Pour que je puisse m’agripper, au lieu de dévaler jusqu’au fin fond du trou. Seulement, pas de cul, il n’y avait que deux classes, dans l’école, à l’époque. La classe des petits et la classe des grands. Bayle, on se l’est farci entre huit et dix ans. (Pour moi, onze.) Je ne suis pas le seul à avoir dégusté, je sais bien. Il en a bousillé quelques-uns, le vieux Bayle, avec sa méchanceté, sa bêtise. Tout confit de savoir, il était. À nous regarder de haut, ce qui n’était pas dur, vu qu’on était des mioches et qu’on ne savait rien. Et lui, au lieu de s’en féliciter, d’être content de tout ce qu’il allait nous apprendre, il humiliait les faibles, les mauvais, tous ceux qui avaient besoin de lui, vraiment."

"Margueritte dit que se cultiver, c’est tenter de grimper en haut d’une montagne. Je comprends mieux ça, aujourd’hui. Tant qu’on est dans son pré, on croit tout voir et tout savoir du monde : la prairie, la luzerne et les bouses des vaches (cet exemple est de moi). Un beau matin, on prend son sac à dos, on commence sa marche. Ce qu’on quitte, plus on s’en éloigne et plus ça rétrécit : les vaches deviennent pas plus grosses que des lapins, des fourmis, des chiures de mouches. Et tout le paysage qu’on découvre en montant, au contraire, ça paraît de plus en plus grand. "

"Elle m’a expliqué que lire, ça commence par écouter. J’aurais plutôt pensé par lire, justement. Mais elle a dit : non, non, ne croyez pas cela Germain ! pour faire aimer la lecture aux petits, il faut leur lire à haute voix. Et elle a ajouté que si on fait ça bien, ça les rend dépendants, après, comme une drogue. Ils ont besoin de livres, après, en grandissant. Ça m’a étonné, mais, en réfléchissant, je me suis dit que c’était pas idiot. Si on m’avait lu des histoires, petit, j’aurais peut-être mis le nez plus souvent dans les livres, au lieu de faire des bêtises, simplement par ennui."

"Les gens ne devraient faire des enfants que s’ils en ont vraiment l’usage. Parce qu’un gamin, ça engage la vie plus longtemps qu’un clébard, au niveau des contraintes. Et pas moyen de se tirer en le laissant attaché sur le bord d’une route, sauf si on veut finir en taule, mais c’était une image, vous aviez bien compris."

"Le problème, c’est que je dis les choses que je pense avec les mots que j’ai appris. Forcément, ça limite. C’est peut-être pour ça que j’ai l’air trop direct, à force de parler toujours en ligne droite. Mais un chat c’est un chat, et un con, c’est un con. J’y peux rien, si les mots existent. Je m’en sers et c’est tout. Y a pas de quoi fouetter une pendule."

"Ce qui me fait aller vers cette conclusion que pour les gens, c’est du pareil au même : c’est pas parce qu’on est inculte qu’on n’est pas cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier. Si c’est un mauvais, qui n’a pas le doigté, il vous gâche."

"En le tâtant entre mes doigts j’ai su que c’était un bouquin. Merde. Je l’ai ouvert quand même, en essayant de prendre un air intéressé, parce qu’à cheval donné on ne regarde pas la devanture. C’était pire qu’un livre : c’était un dictionnaire !

Oh putain ! j’ai pensé. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre avec ça ?

J’ai dit merci à Margueritte. Mais franchement, j’avais du mal."

"On passe des années à rêver d’être grands, tout ça pour regretter quand on était petits."

Dans les yeux de Marie, le retour

Je poste une version pas suffisamment aboutie encore, à mon avis, d'une nouvelle que j'ai intitulée, comme la précédente (voir ici), Dans les yeux de Marie.

A lire ici.

C'est en rapport avec la Révolution. Cela m'a été inspiré par la lecture des deux volumes de Max Gallo... Très instructifs, ces bouquins... Et tout à fait d'actualité de l'autre côté de la Méditerranée actuellement...

Diaporama théâtre

Petit message vacancier et quasiment estival, de surcroît...

Comme promis, je poste mon diaporama sur le théâtre que j'ai converti en pdf. C'est ici.

Par ailleurs, sur cet extrait vidéo, à partir de 10'30'', petit aperçu de l'Opéra-Garnier en compagnie de Bourvil : un must !

Orientation // échéances & 2nde euro

J'ai reçu aujourd'hui les informations officielles pour tout ce qui touche à l'orientation. Il est très clairement écrit sur le formulaire officiel que les résultats des tests d'admission en 2nde euro seront connus avant la finalisation des voeux d'orientation afin de permettre aux familles d'envisager sereinement une stratégie dans l'agencement des voeux.

Admettons que l'on accepte 60 élèves en euro - c'est un exemple, je n'en sais rien. Tel élève apprend qu'il est est reçu avec le rang 140 : pour lui, évidemment, il ne faudra pas placer la 2nde euro en voeu 1. Prenons tel autre élève qui a le rang 62. Se pose le problème de placer la 2nde euro en voeu 1, en misant sur la possibilité d'éventuels désistements pour les élèves ayant un rang plus favorable. C'est risqué. Pour un élève avec le rang 23, pas de souci, choisissons la 2nde euro en voeu 1 avec l'assurance d'être affecté.

Je confirme que les résultats des affectations seront notifiés aux élèves à l'issue de la dernière épreuve du Brevet, le mercredi 29 juin. Les inscriptions suivront immédiatement (probablement les jeudi 30 et vendredi 1er), selon les modalités prévues par chacun des établissements d'accueil pour la rentrée 2011 - modalités qui vous sont communiquées avec le résultat des affectations.

Instructif...


Je viens de lire ce bouquin... Un peu perturbé par une structure un peu... déstructurée ! Je me reconnais assez dans ce que Pennac, prof de français à la retraite, y consigne... Je n'étais pas un cancre mais j'aime la manière qu'il a d'aborder le rapport à l'élève, à la pédagogie, aux programmes, etc.

Je me rends compte que des adultes, parents ou collègues, fréquentent ce blog dont je n'avais jamais imaginé qu'il dépasserait la centaine de connexions - on en est à plus de 800 ! Et, à ces adultes, ainsi que, pourquoi pas ? à quelques élèves, cette lecture peut être très éclairante... Pas de langue de bois, pas d'idéalisme indélicat. Juste un ressenti vrai, qui vaut ce qu'il vaut, avec, en toile de fond, ce monopole d'une société de consommation qui a détrôné les valeurs de l'école. Un bouquin qui pose de vraies questions... Avec humour...

Morceaux choisis...
  • Tout le mal qu'on dit de l'école nous cache le nombre d'enfants qu'elle a sauvés des tares, des préjugés, de la morgue, de l'ignorance, de la bêtise, de la cupidité, de l'immobilité ou du fatalisme des familles.

  • À eux quatre ces maîtres m'ont sauvé de moi-même. Sont-ils arrivés trop tard ? Les aurais-je si bien suivis, s'ils avaient été mes instituteurs ? Garderais-je un meilleur souvenir de mon enfance ? Quoi qu'il en soit, ils ont été mes heureux imprévus. Furent-ils, pour d'autres élèves, la révélation qu'ils ont été pour moi ? C'est une question qui se pose, tant la notion de tempérament joue son rôle en matière de pédagogie. Quand il m'arrive de rencontrer un ancien élève qui se déclare heureux des heures passées dans ma classe, je me dis qu'au même instant, sur un autre trottoir, se promène peut-être celui pour qui j'étais l'éteignoir de service.
  • En quatrième ? Eh oui ! tout reprendre de zéro en quatrième ! Jusqu'en troisième il n'est jamais trop tard pour repartir de zéro, quoi qu'on pense des impératifs du programme ! Je ne vais quand même pas entériner un perpétuel manque de bases, renier systématiquement la patate chaude au collègue suivant ! Allez, on repart de zéro : chaque verbe interrogé, chaque nom, chaque adjectif, chaque lien, pas à pas, une langue qu'ils ont mission de reconstruire à chaque dictée, mot à mot, groupe à groupe.
  • Le respect, tu connais pourtant ; c'est un mot que tu prononces cent fois par jour, non ? Tu viens de me manquer de respect et tu voudrais que je t'aide ?
  • Nous voici donc entrés dans une nouvelle phase de la formation des enseignants, qui sera de plus en plus axée sur la maîtrise de la communication avec les élèves. Cette aide est indispensable, mais si les jeunes professeurs en attendent un discours normatif qui leur permette de résoudre tous les problèmes qui se posent dans une classe, ils iront vers de nouvelles désillusions ; le « ça » pour lequel ils n'ont pas été formés y résistera. Pour tout dire, je crains que « ça » ne se laisse jamais tout à fait cerner, que « ça » ne soit d'une autre nature que la somme des éléments qui le constituent objectivement.
  • Ils me reposaient des autres. Et me stimulaient. Celui qui pige le plus vite, répond le plus juste, et avec humour souvent, cet œil qui s'allume, et cette discrétion dans l'aisance qui est la grâce suprême de l'intelligence...

Un livre à lire...



J'en ai vaguement parlé ce matin aux 3B alors que nous évoquions les cathédrales et le théâtre de l'époque médiévale... Bouquin fabuleux, un pavé de mille pages qu'on a hâte de finir... Une grande épopée autour de la construction d'une cathédrale, des destins qui s'opposent, qui basculent, qui s'unissent...

Ce livre récent est un best-seller (40 millions de volumes vendus, je crois) et a été adapté dernièrement en série pour la télé. Je ne l'ai pas encore regardée mais c'est au programme des grandes vacances...

Sortie Colombey / Clairvaux

Quelques précisions concernant la sortie pédagogique du mardi 10 mai 2011.

Les deux temps forts sont la visite du Mémorial de Colombey-les-deux-églises et l'immersion dans l'abbaye de Clairvaux. La visite est libre mais sera encadrée par un questionnaire relatif aux révisions du Brevet. C'est un musée mais, pour rebondir sur ce que j'ai pu entendre ces derniers temps, ce n'est pas un musée "chiant". Vous pouvez consulter le site du Mémorial ici pour avoir un aperçu. Le parcours de visite est très dynamique, avec de nombreux objets, de nombreuses vidéos, etc. A Clairvaux, la visite sera guidée dans une double perspective : Claude Gueux et l'univers carcéral dont nous avons régulièrement parlé dans le cadre de notre travail sur la justice.

A titre indicatif, je vous communique le planning de cette journée. Je vous rappelle que chacun doit apporter de quoi manger. Comme d'habitude, on ne mange pas dans le car. Pas de chewing-gum non plus. Téléphones et MP3 tolérés dans la limite du raisonnable. Lors des visites, téléphones éteints (pas en veille mais bien éteints). Par ailleurs, j'attends une attitude irréprochable et une politesse naturelle et minimale de votre part chaque fois que nous rencontrerons des adultes qui s'occuperont de nous durant cette journée. Mais, là-dessus, vous savez bien que ce n'est pas quelque chose sur lequel on peut négocier avec moi.

A 5h30, nous ramasserons tous les carnets de liaison. Cette formalité est obligatoire pour visiter Clairvaux. C'est ainsi et cela ne se discute pas.

Départ 5h30
Arrivée au Mémorial à 10h30
Visite avec les questionnaires « Révisions du Brevet » pendant 2 heures
Pause déjeuner et transfert vers Clairvaux de 12h30 à 13h30
Visite de l’abbaye de 13h30 à 15h30
Départ du site à 16 heures
Retour à Vireux à 20h30

Liens pour réviser

Comme je l'avais laissé penser, j'ai mis quelques liens pour réviser dans la partie gauche du blog... Le contenu est parfois inégal. Rappelez-vous simplement que c'est votre travail personnel et la connaissance des bases qui vous sont utiles. Ces sites ne remplacent rien de tout cela...

Brevet Blanc

Ah, les joies de l'enseignant de français... Mobiliser toutes ses facultés intellectuelles pour pondre avec bonheur le plus joli des sujets... Je m'en vais donc jouer à la poule une partie de l'après-midi ;-)

Pour mémoire, Brevet Blanc la semaine de la rentrée : mardi et mercredi...

En français, pour faire simple et ne pas être contrariant, tout doit être révisé...

Miracle ONISEP



Nous l'attendions depuis si longtemps...

La brochure ONISEP est en ligne sur le site régional. Je ne l'ai pas encore regardée mais je vous glisse déjà le lien.

1. La brochure générale que vous avez déjà eue ;

2. La brochure régionale toute nouvelle !!!

Bonne lecture...

ASSR

C'est bientôt le passage de l'ASSR, moment trop souvent pris un peu la légère par les élèves dont, certains, avec le retour des beaux jours, enfourchent vélos et deux-roues pour se conduire n'importe comment sur les routes... Alors, je vous livre un petit récit que j'avais posté sur mon Facebook il y a quelques mois... Tout ce qu'il contient est, malheureusement, vrai...

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C’était juste un lundi comme un autre, un lundi de novembre balayé par le vent d’automne, sur le plateau de Luneray, en Normandie… Juste un matin comme n’importe quel matin pour n’importe quel prof de français qui retrouverait ses élèves de troisième dès la première heure, de 8 heures à 10 heures. Dans la petite salle 207, « ma » salle, étroite, que j’aimais bien malgré tout.
Cette classe, la 3ème3, était une classe franchement sympathique, agréable. J’aimais bien ces élèves et je crois que c’était réciproque. Je les revois, je vous revois : Paul, Sébastien, Charlotte, Carole-Anne, Jessica, Stéphanie, Hélène, Sophie...
Florence.
A la table au fond. Je t’avais isolée, un peu. Tu avais un caractère bien trempé. Un peu fofolle, une énergie difficile à canaliser. Pas méchante pour deux sous, peut-être en manque d’affection. Comme tant d’élèves qui pallient ce manque en se faisant remarquer.
Pour toi aussi, c’était un lundi comme un autre sur la plaine, entre Brachy et Luneray, dans cette si belle campagne normande immortalisée par Maupassant et Flaubert. Une matinée comme un autre. Oui, tu roulais dans les brumes matinales, accrochée au guidon de ton scooter, tout récemment acheté pour ton anniversaire, offert par tes grands-parents quelques jours plus tôt… Tu roulais prudemment, certainement, j’aime me le dire.
Tu pensais peut-être à la note que M. Rio te rendrait dans quelques minutes. Cette interro, bouclée un peu vite, comme à ton habitude, le vendredi précédent. Quand tu m’as eu rendu ta copie, tu m’as demandé pour effacer le tableau. C’est la dernière image que j’ai de toi, avec ton pull rouge, gesticulant devant le tableau, tes yeux planqués derrière tes grosses lunettes. Depuis, c’est exceptionnel que j’autorise un élève à effacer mon tableau. Comment expliquer cela aux volontaires qui croient bien faire ? Je leur explique qu’ils s’y prennent mal et qu’ils laissent souvent plus de traces sur le tableau qu’avant leur passage, ce qui n’est pas faux. Mais qui n’est pas pleinement vrai non plus.
Quelques minutes plus tard, j’accueillais mes élèves. Des sirènes hurlaient au loin, dehors, clairement perceptibles depuis ma salle, déchirant la tranquillité des lieux. J’avais porté ton nom sur le billet d’appel : absente. C’est étrange comme, en y pensant, à nouveau, j’avais un affreux pressentiment. Comme j’en ai l’habitude lorsque j’ai les élèves deux heures à la suite, j’ai laissé un temps de pause. A 9 heures, donc. Ma collègue d’allemand qui assurait ses cours à côté de ma salle commençait sa journée. Elle m’a abordé à la pause, m’a demandé si Florence était là. Ce qui était une question incongrue car, aussitôt, elle m’a dit que Florence venait d’avoir un accident et que c’était grave…
J’aime autant vous dire que c’est dans un état second que j’ai assuré cette seconde heure de cours avec mes troisièmes. Ils ont ressenti cela. Certains avaient surpris ma conversation avec Virginie, ma collègue. A la récré, entre enseignants, nous étions évidemment très angoissés. D’autant que nous avions appris que le témoin de l’accident était l’une de nos collègues. J’ai un souvenir assez flou de ces moments. Je ne revois plus le moment terrible où quelqu’un m’a annoncé que Florence était morte lors de son transfert vers l’hôpital de Dieppe… Comme si on voulait se blinder contre ce genre d’uppercut. Ma grande copine du bahut, Ingrid, m’a dit que, en arrivant au collège, elle avait croisé une estafette du SAMU, sirènes hurlantes, fonçant à toute vitesse sur les routes sinueuses, vers Dieppe.
A quoi pensais-tu, au moment d’arriver sur Luneray, Florence, avec tes yeux planqués derrière tes lunettes et sous ton casque tout neuf ? Tu sais, dans ce double virage en léger devers qui traverse l’ancienne voie de chemin de fer ? Tu sais, ce moment où, face à toi, tu as vu un véhicule qui doublait un tracteur en ignorant la ligne blanche ? Ce véhicule qui t’a fauchée, avec ton scooter, avec ta vie.
Oui, ta vie… As-tu eu le temps de penser à ce casque que tu n’avais pas attaché ? As-tu eu le temps de penser à ta maman, à ta petite sœur ? Ta maman que j’allais revoir quelque temps plus tard, qui me dirait que, chaque nuit, ta petite sœur te réclame et que, à elle, personne n’a encore eu le courage de lui dire la vérité…
As-tu, comme tes camarades, comme moi, entendu  ces sirènes qui t’emmenaient loin, si loin ? Plus loin que Dieppe, en tout cas. Au-delà des falaises, de la mer, du monde des vivants.
A l’époque, il n’y avait pas les téléphones portables, comme aujourd’hui. C’est donc une rumeur insidieuse qui s’est installée, toute la matinée. Il a été décidé que, à 13h30, la classe serait prise en charge par plusieurs enseignants. Je me revois, dans la salle de maths, faire face à 25 élèves qui savaient, plus ou moins. Je revois Monique, professeur chevronnée, la prof principale,  renoncer à annoncer la nouvelle, je me revois prenant le relais. Cela ne peut se raconter. Jamais je n’ai eu le sentiment, dans le cadre de mon métier, d’être autant une bouée de sauvetage pour les autres qu’à ce moment précis. Les élèves pleurent contre vous, vous avez leurs larmes qui coulent dans votre cou. Les frontières n’existent pas et, pour une fois, c’est bien ainsi.
Des larmes, des larmes et, ce qui m’a le plus impressionné, dans ce collège de 480 élèves, un silence de plomb pendant plusieurs jours. Un vrai silence. Pas même un murmure. Rien.
Vendredi, ce serait l’enterrement, vers 10h30…
Lente procession, sous la pluie battante, pour aller à l’église de Luneray. Combien étions-nous ? Une dizaine de professeurs, 70, 80 élèves ? Je me revois soutenir une élève, Clémence, à l’entrée de l’église… Je me revois, assis, bouleversé… L’église était comble… Une émotion absolument insoutenable car c’était comme un deuil collectif. Ces minutes dehors, alors que seule la famille était restée avec le cercueil dans l’église, ces minutes, sous la pluie, interminables…
L’après-midi, terrible, face à moi, cette classe, toujours, élèves en noir, professeur en noir… Les élèves n’avaient que français l’après-midi. J’avais espéré qu’ils resteraient chez eux après la cérémonie. Il n’en a rien été.
J’ai été marqué à vie par cet accident. Ce n’est pas pour cela qu’on est professeur… Toute l’année, il nous a fallu accepter de vivre, dans cette salle, avec une table définitivement vide. Plus jamais je n’ai fait l’appel dans cette classe. Je me contentais de compter les élèves, ne voulant pas conclure l’appel par la mention d’une élève que j’avais portée absente un lundi matin de novembre comme les autres. Cette habitude, d’ailleurs, de simplement compter les élèves, depuis, ne m’a pas quitté.
Florence, je pense à toi et à ces deux autres élèves que j’ai côtoyés, morts trop tôt. Julien, un dimanche matin, non loin de chez moi, pulvérisé sur le capot d’une camionnette, au guidon de son scooter. Matthieu, « Matt », le beau gosse de Luneray, amateur de vitesse, de belles voitures et de jolies filles, renversé tranquillement alors qu’il circulait à vélo par un récidiviste qui a pris la fuite, a fait croire que c’était sa compagne qui était au volant et, seulement, après avoir permuté les places dans la voiture, est revenu voir le corps mort de sa victime. J’ai souvenir aussi, d’un drame qui avait ému les collègues plus anciens : une élève tuée sur la grande route de Dieppe à Ouville, qui s’est rabattue trop tôt sur un camion au terme d’un dépassement hasardeux… Plus récemment, alors que j’étais en poste à Revin en lycée, je me souviens de profs bouleversés par la mort d’un élève du collège dépendant de la même cité scolaire : renversé au niveau de la friterie, là, après le rond-point de la gare. Cela fait beaucoup. Beaucoup trop.
Alors, je peste, je fulmine toujours contre tous ces jeunes James Dean des bacs à sable qui dévalent les routes au guidon de leur deux-roues. Un accident est si vite arrivé… Inutile de forcer le destin. Quatre ans dans ce collège normand et trois églises pleines à craquer. Cela n’arrive pas qu’aux autres, malheureusement. Oui, je rage contre mes élèves à vélo, sans lumière, dans l’aube ardennaise, ceux qui roulent sur les trottoirs et qui, sans rien regarder, sautent pour rouler sur la route, ceux qui grillent les priorités. On n’est pas immortel dans une voiture. Encore moins sur un deux-roues. Je ne me prive pas d’engueuler copieusement mes élèves lorsque je les ai surpris en train de faire les cons sur la route. L’an dernier, j’ai eu un accrochage verbal assez violent avec un élève car, en classe, je lui ai fait la remarque que, pour venir à mon cours, lui et ses copains avaient allègrement brûlé un feu rouge (qui fonctionne de concert avec un passage à niveau qu’ils ont franchi sans rien regarder), m’obligeant à me déporter sur la file opposée. Et bien cet élève a trouvé que je n’avais pas à lui faire ce genre de remarque… Il aurait été préférable, certainement, que je ne me déporte pas. Qui j’étais, moi, le con adulte pour lui expliquer comment on roule sur une bicyclette ? Pour moi, ma classe est le lieu pour parler de cela, pour parler de civisme, des dangers de la route, de la drogue, de l’alcool, des MST. On parle de tout, dans me cours, je l’assume et je le revendique. D’autant que, en troisième, l’expression de son opinion est au cœur des programmes. Jusqu’à preuve du contraire, les élèves de troisième passent une attestation de sécurité routière dont l’obtention est obligatoire pour s’inscrire dans une auto-école. Mais, non, cet élève n’en démordait pas.
Oui, un lundi matin, comme les autres, vraiment. Si ce tracteur n’avait pas été là, si l’automobiliste – le père d’un élève de la classe dont j’étais le professeur principal, soit dit en passant – n’avait pas franchi l’interdit de cette ligne blanche, je ne serais pas là, à écrire sur toi, Florence.
Un lundi comme les autres. Ce 25 novembre 2002.
Je pense à toi, souvent. Je parle de toi à mes élèves. Je ne t’oublie pas. Dans mes archives, j’ai toujours la copie que je n’ai jamais rendue. Je la conserve. Je ne sais plus si c’est une bonne ou une mauvaise note.
Je m’en fous.
Je garderai cette copie.
Toujours. Avec le regret, aussi triste que lancinant, de n’avoir jamais pu te la rendre…

Les écrivains et la Justice (on ne s'en lasse pas !)

Bon, j'ai commencé à ajouter les diaporamas d'ODP sur le blog de la justice...

J'attends la suite, notamment les travaux réalisés par les 3A.