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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Libres !!!

Je ne connais pas trop Marc Lévy. les avis sont très contrastés à son sujet. J'ai attaqué ce livre sans préjugés. C'est un bouquin passionnant ! Le meilleur que j'ai lu depuis plusieurs semaines et, pourtant, je lis 4 à 6 livres par mois !



C'est plutôt bien écrit. Sans pathos superflu.


Pourtant l'histoire s'y prête. L'histoire, justement, c'est celle du père et de l'oncle de l'auteur engagés dans la Résistance alors qu'ils avaient une poignée d'années - moins de vingt ans. On y suit donc Jeannot et Claude et tous leurs copains de Résistance, ceux qui meurent, ceux qui survivent, ceux qui échouent dans leur mission. Une tranche de vie pleine d'espoir des années noires. Mieux qu'un livre d'histoire. Non, vraiment très intéressant !


On s'attache à ses gamins d'origine juive, enrôlés dans les groupuscules de la Résistance. On croise des civils qui n'osent pas résister, d'autres qui aident par leur simple silence, les salauds de la Gestapo, les salauds français qui prennent bien leur pied à collaborer, les règlements de comptes au sein même de la Résistance à l'aube du Débarquement. Et cette interminable fuite en avant dans le dernier train de la mort ! Epoustouflant !


Le chapitre XVII est formidable, très émouvant... L'histoire si poignante, si récurrente, d'une gamine de dix ans qui voit une voiture noire emmener sa mère pour toujours...


Ma grand-mère avait 25 ans durant la guerre. J'aurais aimé qu'elle puisse lire ce livre... On ressort un peu triste de ce livre. On aurait aimé qu'il soit plus long, presque. Et on se dit que, forcément, le prochain livre sera un peu amer, décevant...




"Il avait suffi de quelques minutes assis là, l’un à côté de l’autre, quelques minutes où nous nous retrouvions enfin, et il redevenait déjà mon petit frère. Au ton de sa voix, c’était presque comme s’il s’excusait d’avoir fait une bêtise en faisant sauter la machinerie de son écluse. Pourtant, combien de jours de retard s’accumuleraient dans l’acheminement de lourdes pièces de marine que l’armée allemande faisait transiter par le canal, de l’Atlantique à la Méditerranée ? Claude riait, j’ai passé ma main dans sa chevelure ébouriffée et moi aussi je me suis mis à rigoler. Parfois, entre deux frères, la complicité est bien plus forte que tous les interdits du monde. Il faisait beau et la faim était toujours là."


"Nous avons remonté ensemble la petite rue où il logeait. Avant d’aller prendre mon tramway, je me suis retourné, juste une fois, pour voir sa frimousse avant de repartir vers la solitude. Lui ne s’est pas retourné, et finalement c’était mieux comme ça. Parce que ce n’était plus mon petit frère qui rentrait chez lui, mais l’homme qu’il était devenu. Et ce dimanche soir-là, j’avais un sacré coup de cafard.
"

"Les miliciens violaient, torturaient, dérobaient les biens des gens qu’ils déportaient, monnayaient leur pouvoir sur la population. Combien de femmes ont écarté leurs jambes, yeux fermés, mâchoires serrées à en crever, contre la promesse fictive que leurs enfants ne seraient pas arrêtés ? Combien de ces vieillards dans les longues files d’attente au devant des épiceries vides devaient payer les miliciens pour qu’on les laisse en paix, et combien de ceux qui ne purent s’acquitter furent envoyés dans les camps afin que les chiens de rue viennent tranquillement vider leurs logis ? Sans ces salauds, jamais les nazis n’auraient pu déporter tant de monde, pas plus d’un sur dix de ceux qui ne reviendraient pas."

"les actions que nous entreprenions étaient tout autres que de la vengeance, elles étaient un devoir de cœur, pour sauver ceux qui n’auraient pas à connaître ce sort, pour participer à la guerre de libération."

"Aux premières heures du jour, le cou enveloppé dans son écharpe rouge, il venait faire la queue devant l’épicerie. C’est lui qui les réconfortait pendant la longue attente des petits matins glacés. Il n’offrait rien d’autre que de la chaleur humaine mais dans cet hiver-là, c’est ce qui manquait le plus. Voilà, c’est fini, maintenant M. Lormond ne dira plus jamais rien. Ses mots d’humour qui provoquaient toujours un rire, un soulagement, ses petites phrases drôles ou tendres qui tournaient en dérision l’humiliation du rationnement, sont partis dans une voiture de la Gestapo il y a deux heures déjà."

"Mme Lormond le sent, elle sait. Elle voudrait se retourner, pour offrir à sa fille un dernier sourire, un geste de tendresse qui lui dirait combien elle l’aime ; un regard, le temps d’une fraction de seconde, mais assez pour qu’elle sache que ni la guerre, ni la folie des hommes ne la déposséderont de l’amour de sa mère.

Mais voilà, en se retournant elle attirerait l’attention sur son enfant. Une main amie a sauvé sa petite fille, elle ne peut pas prendre le risque de la mettre en danger. Le cœur en étau, elle ferme les yeux et avance vers la voiture, sans se retourner."

"Au cinquième étage d’un immeuble, à Toulouse, une fillette de dix ans regarde sa maman qui s’en va pour toujours. Elle sait bien qu’elle ne reviendra pas, son père le lui a dit ; les juifs qu’on emmène ne reviennent jamais, c’est pour cela qu’il ne fallait jamais se tromper quand elle donnait son nouveau nom."

"C’est en le regardant muré dans son désespoir, ici même, au milieu de cet univers sordide, que j’ai pourtant vu l’une des plus justes beautés de notre monde : un homme peut se résoudre à l’idée de perdre sa vie, mais pas à l’absence de ceux qu’il aime."

"Le père Joseph, l’aumônier de la prison, sacrifiait ses tickets de rationnement pour lui venir en aide. Chaque semaine, il lui apportait un petit colis de biscuits. Pour nourrir Chahine, je les émiettais et le forçais à manger. Il lui fallait plus d’une heure pour grignoter un biscuit, parfois le double. Épuisé, il me suppliait de donner le reste aux copains, pour que le sacrifice du père Joseph serve à quelque chose.

Tu vois, c’est l’histoire d’un curé qui se prive de manger pour sauver un Arabe, d’un Arabe qui sauve un Juif en lui donnant encore raison de croire, d’un Juif qui tient l’Arabe au creux de ses bras, tandis qu’il va mourir, en attendant son tour ; tu vois, c’est l’histoire du monde des hommes avec ses moments de merveilles insoupçonnées."

"Sur le trottoir, les passants ralentissent le pas, s’amusant de voir ce couple enlacé dont le baiser semble ne jamais vouloir finir. Au milieu de cette horrible guerre, certains trouvent encore la force de s’aimer. Le printemps reviendra, a dit Jacques un jour, et ce baiser volé sur le parvis d’un hôpital sinistre laisse croire qu’il avait peut-être raison."

"Nous n’avions pas vingt ans, à peine plus pour certains d’entre nous, et il nous restait bien des choses à apprendre pour faire la guerre sans se faire repérer, des choses que les limiers de la police de Vichy connaissaient sur le bout des doigts."

"Nous arrivons au début de l’après-midi. Nuncio et son ami Walter ne pensent qu’à s’évader. Le soir, pour passer le temps, nous faisons la chasse aux puces et aux poux qui rongent le peu de chair qui nous reste. Les parasites se logent dans les coutures de nos chemises et de nos pantalons. Il faut beau-coup d’adresse pour les déloger, et à peine une colonie chassée, une autre prolifère. À tour de rôle, les uns s’allongent pour essayer de se reposer tandis que d’autres s’accroupissent pour leur faire de la place. C’est au milieu de cette nuit-là, que me vient cette drôle de question : si nous survivons à cet enfer, pourrons-nous un seul jour l’oublier ? Aurons-nous le droit de revivre comme des gens normaux ? Peut-on gommer la part de mémoire qui trouble l’esprit ?"

"Ce n’est plus qu’une question d’heures pour moi. Jeannot, il faudra un jour que tu racontes notre histoire. Il ne faut pas qu’elle disparaisse comme moi.

— Tais-toi, Samuel, tu dis des bêtises et je ne sais pas raconter les histoires.

— Écoute-moi, Jeannot, si toi tu n’y arrives pas, alors tes enfants le feront à ta place, il faudra que tu le leur demandes. Jure-le-moi.

— Quels enfants ?

— Tu verras, poursuit Samuel dans un délire halluciné. Plus tard tu en auras, un, deux, ou plus je ne sais pas, je n’ai plus vraiment le temps de compter. Alors il faudra que tu leur demandes quelque chose de ma part, que tu leur dises que cela compte beaucoup pour moi."

24 décembre !

Mes enfants ont ouvert ce matin la dernière case de leur calendrier de l'Avent. J'imagine donc que le mec en rouge risque de se pointer dans les prochaines heures... Mon épouse travaille de nuit et, qui sait ? croisera peut-être un ou deux rennes égarés !


Je souhaite à tous les visiteurs de ce blog un joyeux Noël.

Petit texte écrit ces derniers jours. Je ne suis pas très satisfait mais je le livre quand même.


J'en profite pour poster deux textes plus anciens :

Dans les yeux de Marie, version guerre 14-18 (clic !)

Dans les yeux de Marie, version Révolution (clic !)

Fausse note !

Bon, j'ai attaqué ce bouquin qui me semblait intéressant... Après la guerre, un gamin, Arnaud, revient dans son village, dans le Périgord. Il est accueilli par ses grands-parents. Sa mère, Résistante, rejétée par sa famille communiste car éprise du grand propriétaire terrien du coin, a été déportée sous ses yeux... Dès qu'il arrive dans ce bled du Périgord, des événements étranges ont lieu et on comprend vite qu'ils ont un rapport avec le passé de la mère d'Arnaud et le retour de l'enfant dans ce village.


Je m'attendais donc à un truc avec de terribles secrets de famille, un peu comme Elle s'appelait Sarah ou Un secret... Du tout, on tombe dans une pseudo-intrigue policière à la Boileau-Narcejac, cousue de fil balnc (blanc fluo, même, le fil)

Bref, j'ai fini le livre sans grand enthousiasme...

Grève !

Une de plus, diront certains. En ce qui me concerne, ce n'est que la troisième ou quatrième fois que je fais grève depuis mon entrée en fonction, en 2000. Je dois être un zombie ou un recordman ;-)

Donc, demain, oui, je fais grève. Une grève qui, je le souhaite, sera massivement suivie car elle fédère deux revendications bien précises :

1. La remise en cause de l'évaluation des enseignants ;
2. Le probable gel de l'avancement des enseignants de 2012 à 2015.



Avant de développer, quelques mots sur ma petite personne qui nous amèneront logiquement à considérer les deux points précédents.

J'ai décroché une Maîtrise avec mention TB à la fac de Rouen en 1998. Un boulot passionnant mené avec des profs archi géniaux auxquels je voue, toujours, une grande admiration. Je me lance ensuite dans la préparation du CAPES. Je me plante. 1 en latin, un 3 me permettait d'avoir le CAPES. Ecoeuré, d'autant que le 1 était absolument injustifié. Je ne le sais pas encore mais ces deux examinateurs de latin m'ont rendu un sacré service. Avec une note meilleure, j'aurais eu mon CAPES mais j'aurais été classé dans les abysses du concours. On s'en fout, vous me direz, l'essentiel, c'est d'avoir le concours. C'est ce que je pensais aussi.

L'année suivante, 2000, donc, je bosse comme un malade, j'avale trois livres par semaine, je passe des oraux blancs en pagaille, je fais des centaines de fiches de grammaire, de stylistique, de phonétique, d'ancien français. Bref, je me transforme en une machine à gagner un concours, à bouffer de l'examinateur. Je décroche haut la main ma place pour les oraux en obtenant un beau 13,5 à la dissert' de 6 heures. A l'oral, à Tours, je me transcende véritablement. Je tombe, en plus, sur un sujet qui me passionne lors de l'épreuve dite "sur dossier" : une séquence à analyser sur la littérature de la seconde guerre mondiale. Je casse la baraque : 15.

Résultat, sur 8600 candidats, j'arrive 61ème, major de l'académie de Rouen, les cinquante premières places sont généralement bloquées d'office par les agrégatifs de Normale Sup'. Me voilà donc avec un excellent rang. J'en suis fier parce que je trouve ça bien. Novice, j'ignore encore surtout que ce rang va me suivre toute ma carrière.

Et j'en viens aux deux points mentionnés.

Lorsqu'on est jeune prof, l'avancement dépend précisément du rang obtenu au concours. Il faut le savoir, le prof est évalué de deux manières. La note pédagogique, sur 60 points, évolue au long de la carrière, au fil des inspections, selon des créneaux pré-établis. En gros, un inspecteur, pour tel échelon, ne peut pas valoriser la note au-delà de telle note. C'est pareil pour la note administrative, sur 40 points, qui est régulièrement valorisée par le chef d'établissement qui évalue là le rayonnement de l'enseignant, son sérieux, son assiduité, sa ponctualité, etc. Le chef d'établissement n'évalue jamais la compétence pédagogique qui est du ressort de l'inspecteur.

Nous touchons ici à l'une des revendications de la grève. Il est prévu, dès 2012, que les inspecteurs ne visitent plus les professeurs et que la note pédagogique tombe en quelque sorte dans le giron des chefs d'établissement qui, du jour au lendemain, auraient en main le contrôle total de l'évaluation des enseignants, y compris le domaine pédagogique, ce qui suppose que chaque chef d'établissement, durant les grandes vacances apprenne à bien connaître les programmes de chaque discipline afin de pouvoir évaluer au plus juste "leurs" enseignants. Je suis contre cela. Beaucoup de chefs d'établissements aussi. D'autant que cela s'apparente à une première déviance qui pourrait mener à une remise en question complète du recrutement des enseignants, un peu selon le modèle anglais, où les enseignants sont recrutés au cas par cas par le chef d'établissement. Loin de toutes les procédures relativement égalitaires de mutation dont nous bénéficions actuellement.

Seconde revendication. L'avancement des enseignants dont on a dit qu'il dépendait, dès le début de carrière, du rang au concours. Précision en préambule : l'avancement d'un enseignant conditionne aussi sa rémunération. Cet avancement se fait selon trois modalités : l'ancienneté, le choix, le grand choix. Plus vous êtes bien évalué par votre inspecteur, plus vous avez de chances de passer d'un échelon à l'autre au grand choix. Il y a en tout 11 échelons. Sinon, vous passez au choix, selon un rythme moins rapide ou, au pire, à l'ancienneté. En fin de carrière, les différences de salaire entre un enseignant et un autre peuvent être colossales selon la rapidité de l'avancement.

Mon rang au concours m'a permis d'avoir, dès le début, une note administrative forte (il ne me reste que 4/10ème de point à décrocher pour obtenir la note optimale de 40) Mon rang m'a aussi permis d'avoir une note pédagogique forte et, donc, de pouvoir passer, régulièrement au grand choix (sauf une fois). Ainsi, après 12 ans de carrière, je suis à l'échelon 7. Je suis à nouveau promouvable au grand choix l'an prochain, en septembre, je crois ; au choix en mars 2013 ; à l'ancienneté, en septembre 2013. On voit les écarts. Le projet de décret du gouvernement bloque les avancements autres qu'à l'ancienneté. Est-ce juste ? Non, bien évidemment, c'est fondamentalement injuste. Mon dernier rapport d'inspection est plutôt élogieux et j'espère bien passer au grand choix car mes notations administrative et pédagogique sont largement au-dessus des médianes du 7ème échelon. Le gel éventuel de l'avancement me touche directement. Idem, d'ailleurs, si je postule à la hors-classe - j'ai loupé la campagne l'an dernier, couillon que je suis ! Un collègue me disait que la hors-classe risquait d'être touchée par ce gel.

C'est comme si je disais à un élève qu'il a le niveau pour passer en troisième mais qu'il devra attendre l'année prochaine. C'est ridicule.

On voit bien l'enjeu pour l'Etat. Pas d'avancements au choix ou au grand choix = un max d'économies. On fait miroiter aux jeunes collègues un salaire valorisé (c'est le moins que l'on puisse faire pour des diplômés à bac +5 !) mais, par ailleurs, dès qu'ils seront dans le métier, leur valorisation salariale sera minorée. C'est d'une hypocrisie incroyable.

Je passe aussi sur un dommage collatéral. Un enseignant qui veut muter accumule des points selon divers critères. Je ne détaille pas. Mais l'un des critères pour gagner des points est le nombre d'échelons obtenu. Autrement dit, moins vous gagnez d'échelons, moins vous avez de points pour muter. CQFD.

Alors, oui, j'en entends déjà qui affûtent la ritournelle si usée des profs privilégiés, des vacances, des profs qui ne fichent rien, etc. Comme beaucoup de lecteurs de ce blog, j'imagine, mon indice de rémunération n'a pas été revu depuis des lustres - une fois, je crois, en 12 ans de carrière. J'ai vu hier que, en 2012, les prix avaient augmenté de 2,5%, je ne fais pas partie des privilégiés qui verront leur salaire augmenter de manière mimétique. Oui, j'ai des vacances, non l'intégralité de ces vacances n'est pas payée. Un texte des années 50 (c'était hier, en somme) a établi une rémunération des profs sans vacances et a ensuite lissé cela sur la rémunération annuelle. Cela mérite d'être rappelé. Oui, je ne passe que 18 heures face à mes élèves. Mais je bosse chez moi, je prépare mes cours, je corrige mes copies, je reviens régulièrement au collège régler des problèmes, assister à des réunions, assurer les conseils de classe, rencontrer des familles, parfois je corrige les examens (activité pour laquelle je suis payé une misère, très très très très loin du SMIC horaire), etc. Non, je ne suis pas un feignant. Qu'on sorte de cette caricature stérile !

Et, depuis quelques années, je fais un boulot qui est de moins en moins un boulot d'enseignant pour lequel j'ai été formé et qui m'a séduit au départ. Je suis assistant social, parent de substitution, je me faisais récemment la réflexion que l'une de mes interlocutrices, dans le cadre de mon boulot est, de plus en plus l'infirmière scolaire, on se heurte à des incivilités de plus en plus nombreuses, à une absence générale de travail de la part de nos élèves car les familles peinent à imposer leur autorité à la maison, etc.

Euh, vous sortez du sujet, là, non ?

Oui, je sors du sujet. Pas tant que cela, en fait ! Un enseignant bridé dans sa reconnaissance aura-t-il toujours la volonté de s'investir, de faire son boulot à 150%, de mettre sur pied des sorties pédagogiques (peu de gens, je pense, imaginent la difficulté à trouver des financements pour ces sorties), des pratiques pédagogiques diversifiées, etc.?

Si je suis privilégié, c'est que, contrairement à de nombreux collègues, je suis titulaire de mon poste, à l'abri d'une suppression de poste, je ne me balade pas sur deux ou trois établissements. Mon établissement est agréable, les élèves sont souvent sympathiques, les parents dans leur immense majorité apprécient le travail fourni par les enseignants.

Je ne vais pas faire dans le pompeux. Mais, quand même, on parle de gens à qui on confie l'avenir de notre pays. On sait bien qu'on n'aura pas toujours la reconnaissance qui nous est due. Mais, avec ces projets de refonte de l'avancement et de l'évaluation des profs, ce manque de reconnaissance deviendra carrément officiel... Ce changement de l'évaluation qui ne ferait plus la part belle à la pédagogie pure - quand même le fondement de notre boulot - n'est-il pas la marque tout simplement d'un certain renoncement ?

Mentions !

Un incident a, une nouvelle fois, émaillé le déroulement d'un conseil de classe. Il s'agissait du conseil de la 5C que je menais en tant que professeur principal. Je n'épilogue pas sur cette péripétie. Au coeur du problème, les mentions - enfin, bon, il y a à mon avis un autre problème de fond que je n'évoquerai pas sur ce blog.

Peut-on ne pas attribuer les félicitations à un élève qui a 17 ou 18 de moyenne ? La réponse est oui. Les félicitations viennent concrétiser, en quelque sorte, à la fin du bulletin, le bilan positif de l'élève dans ses résultats comme dans son attitude. Autrement dit, la seule moyenne ne préjuge pas que l'on accorde d'office la mention des félicitations. Ainsi, sur un bulletin, un bilan numérique très élogieux peut être nuancé par une attitude plus déviante.

C'est, sauf erreur de ma part, une ligne de conduite qui prévaut au collège depuis des années. Sauf erreur de ma part, les deux conseils qui ont précédé le mien ont été menés avec la même intransigeance. Les élèves sont au courant de cela depuis des lustres. Chacun sait et peut vérifier que j'ai vu régulièrement les parents de cette classe. J'ai passé 4h40 en réunion parents-profs et, à côté, au moins dix heures, à convoquer des familles pour régler des problèmes ou, du moins, attirer l'attention de certaines familles sur des soucis ponctuels ou plus lourds.

Je ne veux pas entrer dans une polémique caricaturale qui opposerait les profs aux parents, cela n'a aucun sens. Si les parents cristallisent leur attention sur cette seule ligne hypothétique des mentions, ce n'est pas constructif. Chaque appréciation disciplinaire a son importance. La moyenne et une possible mention ne doivent pas être les seules perspectives à considérer à la lecture d'un bulletin par la famille. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, la moyenne générale ne figure pas sur le bulletin, afin de ne pas monopoliser l'attention de chacun.


Pour ce qui concerne la 5C, tout le monde s'accorde à dire que c'est une classe pénible, agitée et bruyante. Peut-on envisager, un seul instant, de cautionner ce genre d'attitude en valorisant des élèves qui gênent ou perturbent le cours, sous l'unique prétexte qu'ils ont de bons ou d'excellents résultats ?

Sans aucune hésitation, pour moi, la réponse est non.

Chez moi, quand mon fils fait une petite bêtise, je ne le félicite pas. Suis-je un mauvais père ? Depuis ce soir, je me dis que je devrais peut-être le féliciter...

Croisé !

Petit livre sans prétention. Très bonne vulgarisation sur un pan d'histoire du Moyen Âge. 


Pas un truc pénible qui aligne les dates et les faits - j'en avais déjà lu un. Non, plutôt un livre sur l'état d'esprit qui régnait au moment des Croisades. Comment l'Eglise a réussi le tour de force de donner sa bénédiction à des soldats qui allaient tuer ? Comment les Byzantins ont réagi - tout bêtement, l'empire byzantin, c'était quoi ? Comment la notion de guerre sainte a vu le jour ? Vraiment intéressant, style très abordable. J'ai appris plein de bricoles, ce qui est bien le but de ce genre de bouquin...




L’une des difficultés auxquelles se heurte toute tentative de raconter les croisades est précisément de trouver l’équilibre entre les deux dimensions : nous devons essayer d’imaginer ces gens qui, d’un côté, croyaient vraiment à ce qu’ils faisaient, mettaient leur vie en jeu pour un but qu’ils estimaient agréable à leur Dieu, étaient fermement convaincus de suivre les traces du Christ en risquant la mort et en affrontant le martyre, et de l’autre savaient fort bien qu’il y avait là pour eux une extraordinaire perspective de conquête et d’enrichissement, une occasion unique de quitter leur petit monde mesquin et d’aller se forger une position plus élevée dans le nouveau monde, l’Outre-mer, comme on disait alors – un terme qui rend très bien l’idée de la grande aventure qu’ils avaient conscience de vivre.


Quand nous parlons de choc de civilisations, nous nous référons généralement à deux mondes étroitement liés l’un à l’autre, ayant des racines communes, qui ont développé deux systèmes d’idées ou de valeurs divergents et qui, précisément parce qu’ils reconnaissent dans l’autre leur propre image, veulent le soumettre, comme ce fut le cas au XXe siècle avec le communisme et le fascisme. Il en va de même pour les croisades : les deux camps opposés, au fond, raisonnaient de la même façon, adoraient le même Dieu avec des modalités différentes, avaient des attitudes mentales analogues, et peut-être est-ce pour cela que leur opposition fut si féroce.

Mythe mité

JFK / Marilyn... Couple glamour, s'il en est... Happy birthday Mr President, et patati et patata... Deux destins tragiques, stoppés net, juste après le sommet de leur gloire respective... Et, surtout, derrière cette façade, une belle liaison et tout et tout, des coulisses moins sympathiques...


JFK est une ordure de première catégorie. Ses liaisons et coucheries multiples et variées feraient passer DSK pour un enfant de choeur. Marilyn, pauvre fille dépressive. Son statut de sex-symbol l'a achevée. Et derrière tout ça, les petits truands, la Mafia, le FBI, les règlements de comptes plus ou moins en famille...


Une image des Etats-Unis bien tristounette, un costard taillé dans le vif avec un style incisif par ce journaliste du Nouvel Obs'... Un humour souvent corrosif ! Cela, j'ai vraiment aimé. On se marre en lisant le bouquin !


C'est quand même un peu longuet... Toutes ces histoires d'écoutes, de mecs butés, de filles faciles... Cela fait frémir quand on sait que, à cette époque, le monde de la Guerre froide était au bord d'une implosion générale... Mais, qu'à cela ne tienne, JFK dorlotte ses putes dans la piscine, jusque dans la nursery de ses enfants !!!


Au final, aucune pitié pour JFK. Marilyn, je la plains. Elle avait le monde à ses pieds et cela l'a dépassée. Quelle ironie !






Morceaux choisis...


Il est vrai que Joe, vedette des stades, idole du base-ball, n’aime pas les soirées, déteste qu’on regarde sa femme comme si elle était à vendre, manifeste une jalousie de bouledogue, insiste pour qu’elle abandonne sa carrière et reste à la maison, pour faire la cuisine. Ce qui est une aberration. Car Marilyn ne sait rien cuisiner d’autre que les carottes (en boîte) et les petits pois (en boîte). Elle trouve que les couleurs vont bien ensemble.


Joe DiMaggio, emberlificoté dans sa cravate et son costume, est mal à l’aise. Il est inculte, ce qui n’est pas grave à Hollywood, bien au contraire.


Marilyn est camée à la gloire. Elle veut être la star des stars, être respectée, être vénérée. Elle exige de l’attention, de l’amour, de la considération, de l’éclat, des vapeurs d’encens, des arômes de myrrhe, un autel en marbre de Carrare et le désir des tous les hommes.


À peine Jackie a-t-elle passé l’anneau à son doigt que son mari est déjà reparti vers d’autres lits. Impossible de le brider. C’est une compulsion, une névrose. Il doit séduire, il doit coucher. Son éthique personnelle est aussi développée que celle de son père : la morale, c’est bon pour les curés, les péquenots et les chaisières. Pas pour nous, les Kennedy !


Le deuxième jour de tournage, Marilyn arrive trois quarts d’heure en retard. Le lendemain, elle pointe à midi. En deux jours, il lui faut trente-quatre prises pour enregistrer quatre mots : « Oh, you, poor prince. » Elle confère avec Paula. Elle bafouille. Elle oublie son texte. Elle laisse tomber la cuillère de caviar qu’elle tient. Exaspéré, Laurence Olivier lui donne un conseil : – Asseyez-vous, Marilyn, comptez jusqu’à trois et dites votre réplique.
Elle le regarde d’un œil vitreux. Olivier cingle : – Sans doute ne savez-vous pas compter non plus ?

Elle a pourri la vie du plateau par terreur et par vice. Elle a voulu montrer qui était la patronne, la vedette, le boss. Elle a réussi. Sans Marilyn, pas de Some Like It Hot. Le hot, c’est elle, personne d’autre.

À Chicago, Marilyn fait la une des journaux. Elle est belle, radieuse, elle semble au sommet de sa vie. Les spectateurs se demandent ce qu’elle fait avec le triste sire qui l’accompagne. Arthur Miller, en smoking, est aussi gai qu’un dimanche de Pentecôte. Quand il sourit, on a l’impression qu’il a des chaussures qui lui font mal aux pieds. Quand il donne une interview, il répond comme s’il calculait, en douce, le montant de ses impôts sur ses doigts.

Jack Kennedy, lui, continue à s’amuser dans sa garçonnière du Carlyle Hotel. Il fait la cour à Sophia Loren, couche avec une étudiante, Helen Chavchavadze, alterne avec Pamela Turnure, fait monter des putes en vrac, et le reste l’indiffère. Chaque soir une autre fille, voire deux ou trois. Quel homme ! Il passe la moitié de son temps à penser aux femmes, et l’autre moitié à coucher avec elles, dit Adlai Stevenson. Ce n’est pas faux.

De temps en temps, Marilyn vient passer la nuit. Elle est plus que jamais la star des stars, la femme la plus sexy de tous les temps, le gros lot inventé par Dieu pour faire crever les hommes de désir. Marilyn, la suprême tentation, la sucrerie ultime. Elle est au sommet du monde : il n’y a pas un père de famille dans le Minnesota ou au Kamtchatka qui ne rêve d’elle, pas un mâle aux îles Kouriles ou en terre de Baffin qui ne prie pour qu’on la lui offre en cadeau. Même les gays se costument en Marilyn, c’est dire.
La fin de l’année arrive. Noël est en vue. Marilyn, un soir, aborde la question du mariage avec JFK, alors que celui-ci pose la main sur sa cuisse et constate qu’elle ne porte pas de culotte. Jack parle net, la main sur l’origine du monde : – Je vais être candidat à la présidence. Je ne peux pas divorcer.
Marilyn baisse les yeux. Elle n’a pas l’habitude qu’on lui dise non.

Du coup, Kennedy prête le flanc à tous les chantages possibles. Il a payé pour le silence d’Alicia Darr, il a payé pour d’autres filles. JFK est peut-être pingre, mais, dans le domaine de la main tendue occulte, il est plutôt prodigue. Il est vrai que la fortune des K. s’élève à 400 millions de dollars, soit près de trois milliards en dollars 2007. Ce sont des économies qui permettent quelques fantaisies. Le danger, c’est que Judy Campbell a des fréquentations inquiétantes. Sam Giancana est son amant. La Mafia et la politique communient dans la même culotte.