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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Dominant !

J'ai fini hier ce livre... Un peu bizarre... L'histoire est contemporaine. Le principe est le suivant : au Proche-Orient, des terroristes bousillent tout ce qui permet de transporter le pétrole. Chaos mondial à l'arrivée. Panique dans les villes du monde entier, couvre-feu dans le monde entier, émeutes dans le monde entier et le monde entier qui court à sa perte. L'idée, à la base, n'est pas mauvaise et essaie de mettre en perspective la dépendance outrancière que l'homme a par rapport au pétrole.


On suit les pérégrinations d'une famille directement liée au cataclysme car le père de famille, Andy, a fourni à une association aussi secrète que bizarroïde des documents très précis sur le chaos qui résulterait d'un épuisement du pétrole. Lui n'a jamais vu ses employeurs. Pas d'bol, sa fille, par inadvertance, les a vus. Les méchants veulent donc buter la gamine. Bref, on vire au truc super américain, avec des répliques plates, les personnages qui sortent une vanne de la mort avant de mourir... Il y a du suspense, ça oui. On est dans un thriller. Et, sur cet aspect, c'est rondement mené... Faut dire que, pour couronner le tout, le père est en Irak (il est en plein combat, attention, ça décoiffe !), la mère passe un entretien d'embauche à un bout de l'Angleterre (elle veut se séparer d'Andy mais découvrira que c'est le super mec plus que super !), la fille, avec son frère, est bloquée à Londres (Rosbeef capital city) et sa vie n'est pas super rose car elle est aux prises avec les émeutiers qui zigouillent son petit copain, le mec qui veut la buter et les services spéciaux d'une ancienne annexe du FBI - rien que ça ! On sombre dans une sorte de délire assez spécial !

Donc, si je résume, un postulat vraiment intéressant mais la petite histoire à l'intérieur de la grande histoire, bof...

Copies...

Pas facile de corriger!


Florence...

Florence, en ce 25 novembre, je n'oublie pas... J'entends les sirènes qui t'emportent loin, vers la mort. Alors que tu devais être à ton putain de cours de français !!! Que c'est dur de savoir qu'une élève s'est tuée en venant à mon cours... De l'avoir portée "absente" dans le cahier de textes...



C’était juste un lundi comme un autre, un lundi de novembre balayé par le vent d’automne, sur le plateau de Luneray, en Normandie… Juste un matin comme n’importe quel matin pour n’importe quel prof de français qui retrouverait ses élèves de troisième dès la première heure, de 8 heures à 10 heures. Dans la petite salle 207, « ma » salle, étroite, que j’aimais bien malgré tout.
Cette classe, la 3ème3, était une classe franchement sympathique, agréable. J’aimais bien ces élèves et je crois que c’était réciproque. Je les revois, je vous revois : Paul, Sébastien, Charlotte, Carole-Anne, Jessica, Stéphanie, Hélène, Sophie...
Florence.
A la table au fond. Je t’avais isolée, un peu. Tu avais un caractère bien trempé. Un peu fofolle, une énergie difficile à canaliser. Pas méchante pour deux sous, peut-être en manque d’affection. Comme tant d’élèves qui pallient ce manque en se faisant remarquer.
Pour toi aussi, c’était un lundi comme un autre sur la plaine, entre Brachy et Luneray, dans cette si belle campagne normande immortalisée par Maupassant et Flaubert. Une matinée comme un autre. Oui, tu roulais dans les brumes matinales, accrochée au guidon de ton scooter, tout récemment acheté pour ton anniversaire, offert par tes grands-parents quelques jours plus tôt… Tu roulais prudemment, certainement, j’aime me le dire.
Tu pensais peut-être à la note que M. Rio te rendrait dans quelques minutes. Cette interro, bouclée un peu vite, comme à ton habitude, le vendredi précédent. Quand tu m’as eu rendu ta copie, tu m’as demandé pour effacer le tableau. C’est la dernière image que j’ai de toi, avec ton pull rouge, gesticulant devant le tableau, tes yeux planqués derrière tes grosses lunettes. Depuis, c’est exceptionnel que j’autorise un élève à effacer mon tableau. Comment expliquer cela aux volontaires qui croient bien faire ? Je leur explique qu’ils s’y prennent mal et qu’ils laissent souvent plus de traces sur le tableau qu’avant leur passage, ce qui n’est pas faux. Mais qui n’est pas pleinement vrai non plus.
Quelques minutes plus tard, j’accueillais mes élèves. Des sirènes hurlaient au loin, dehors, clairement perceptibles depuis ma salle, déchirant la tranquillité des lieux. J’avais porté ton nom sur le billet d’appel : absente. C’est étrange comme, en y pensant, à nouveau, j’avais un affreux pressentiment. Comme j’en ai l’habitude lorsque j’ai les élèves deux heures à la suite, j’ai laissé un temps de pause. A 9 heures, donc. Ma collègue d’allemand qui assurait ses cours à côté de ma salle commençait sa journée. Elle m’a abordé à la pause, m’a demandé si Florence était là. Ce qui était une question incongrue car, aussitôt, elle m’a dit que Florence venait d’avoir un accident et que c’était grave…
J’aime autant vous dire que c’est dans un état second que j’ai assuré cette seconde heure de cours avec mes troisièmes. Ils ont ressenti cela. Certains avaient surpris ma conversation avec Virginie, ma collègue. A la récré, entre enseignants, nous étions évidemment très angoissés. D’autant que nous avions appris que le témoin de l’accident était l’une de nos collègues. J’ai un souvenir assez flou de ces moments. Je ne revois plus le moment terrible où quelqu’un m’a annoncé que Florence était morte lors de son transfert vers l’hôpital de Dieppe… Comme si on voulait se blinder contre ce genre d’uppercut. Ma grande copine du bahut, Ingrid, m’a dit que, en arrivant au collège, elle avait croisé une estafette du SAMU, sirènes hurlantes, fonçant à toute vitesse sur les routes sinueuses, vers Dieppe.
A quoi pensais-tu, au moment d’arriver sur Luneray, Florence, avec tes yeux planqués derrière tes lunettes et sous ton casque tout neuf ? Tu sais, dans ce double virage en léger devers qui traverse l’ancienne voie de chemin de fer ? Tu sais, ce moment où, face à toi, tu as vu un véhicule qui doublait un tracteur en ignorant la ligne blanche ? Ce véhicule qui t’a fauchée, avec ton scooter, avec ta vie.
Oui, ta vie… As-tu eu le temps de penser à ce casque que tu n’avais pas attaché ? As-tu eu le temps de penser à ta maman, à ta petite sœur ? Ta maman que j’allais revoir quelque temps plus tard, qui me dirait que, chaque nuit, ta petite sœur te réclame et que, à elle, personne n’a encore eu le courage de lui dire la vérité…
As-tu, comme tes camarades, comme moi, entendu  ces sirènes qui t’emmenaient loin, si loin ? Plus loin que Dieppe, en tout cas. Au-delà des falaises, de la mer, du monde des vivants.
A l’époque, il n’y avait pas les téléphones portables, comme aujourd’hui. C’est donc une rumeur insidieuse qui s’est installée, toute la matinée. Il a été décidé que, à 13h30, la classe serait prise en charge par plusieurs enseignants. Je me revois, dans la salle de maths, faire face à 25 élèves qui savaient, plus ou moins. Je revois Monique, professeur chevronnée, la prof principale,  renoncer à annoncer la nouvelle, je me revois prenant le relais. Cela ne peut se raconter. Jamais je n’ai eu le sentiment, dans le cadre de mon métier, d’être autant une bouée de sauvetage pour les autres qu’à ce moment précis. Les élèves pleurent contre vous, vous avez leurs larmes qui coulent dans votre cou. Les frontières n’existent pas et, pour une fois, c’est bien ainsi.
Des larmes, des larmes et, ce qui m’a le plus impressionné, dans ce collège de 480 élèves, un silence de plomb pendant plusieurs jours. Un vrai silence. Pas même un murmure. Rien.
Vendredi, ce serait l’enterrement, vers 10h30…
Lente procession, sous la pluie battante, pour aller à l’église de Luneray. Combien étions-nous ? Une dizaine de professeurs, 70, 80 élèves ? Je me revois soutenir une élève, Clémence, à l’entrée de l’église… Je me revois, assis, bouleversé… L’église était comble… Une émotion absolument insoutenable car c’était comme un deuil collectif. Ces minutes dehors, alors que seule la famille était restée avec le cercueil dans l’église, ces minutes, sous la pluie, interminables…
L’après-midi, terrible, face à moi, cette classe, toujours, élèves en noir, professeur en noir… Les élèves n’avaient que français l’après-midi. J’avais espéré qu’ils resteraient chez eux après la cérémonie. Il n’en a rien été.
J’ai été marqué à vie par cet accident. Ce n’est pas pour cela qu’on est professeur… Toute l’année, il nous a fallu accepter de vivre, dans cette salle, avec une table définitivement vide. Plus jamais je n’ai fait l’appel dans cette classe. Je me contentais de compter les élèves, ne voulant pas conclure l’appel par la mention d’une élève que j’avais portée absente un lundi matin de novembre comme les autres. Cette habitude, d’ailleurs, de simplement compter les élèves, depuis, ne m’a pas quitté.
Florence, je pense à toi et à ces deux autres élèves que j’ai côtoyés, morts trop tôt. Julien, un dimanche matin, non loin de chez moi, pulvérisé sur le capot d’une camionnette, au guidon de son scooter. Matthieu, « Matt », le beau gosse de Luneray, amateur de vitesse, de belles voitures et de jolies filles, renversé tranquillement alors qu’il circulait à vélo par un récidiviste qui a pris la fuite, a fait croire que c’était sa compagne qui était au volant et, seulement, après avoir permuté les places dans la voiture, est revenu voir le corps mort de sa victime. J’ai souvenir aussi, d’un drame qui avait ému les collègues plus anciens : une élève tuée sur la grande route de Dieppe à Ouville, qui s’est rabattue trop tôt sur un camion au terme d’un dépassement hasardeux… Plus récemment, alors que j’étais en poste à Revin en lycée, je me souviens de profs bouleversés par la mort d’un élève du collège dépendant de la même cité scolaire : renversé au niveau de la friterie, là, après le rond-point de la gare. Cela fait beaucoup. Beaucoup trop.
Alors, je peste, je fulmine toujours contre tous ces jeunes James Dean des bacs à sable qui dévalent les routes au guidon de leur deux-roues. Un accident est si vite arrivé… Inutile de forcer le destin. Quatre ans dans ce collège normand et trois églises pleines à craquer. Cela n’arrive pas qu’aux autres, malheureusement. Oui, je rage contre mes élèves à vélo, sans lumière, dans l’aube ardennaise, ceux qui roulent sur les trottoirs et qui, sans rien regarder, sautent pour rouler sur la route, ceux qui grillent les priorités. On n’est pas immortel dans une voiture. Encore moins sur un deux-roues. Je ne me prive pas d’engueuler copieusement mes élèves lorsque je les ai surpris en train de faire les cons sur la route. L’an dernier, j’ai eu un accrochage verbal assez violent avec un élève car, en classe, je lui ai fait la remarque que, pour venir à mon cours, lui et ses copains avaient allègrement brûlé un feu rouge (qui fonctionne de concert avec un passage à niveau qu’ils ont franchi sans rien regarder), m’obligeant à me déporter sur la file opposée. Et bien cet élève a trouvé que je n’avais pas à lui faire ce genre de remarque… Il aurait été préférable, certainement, que je ne me déporte pas. Qui j’étais, moi, le con adulte pour lui expliquer comment on roule sur une bicyclette ? Pour moi, ma classe est le lieu pour parler de cela, pour parler de civisme, des dangers de la route, de la drogue, de l’alcool, des MST. On parle de tout, dans me cours, je l’assume et je le revendique. D’autant que, en troisième, l’expression de son opinion est au cœur des programmes. Jusqu’à preuve du contraire, les élèves de troisième passent une attestation de sécurité routière dont l’obtention est obligatoire pour s’inscrire dans une auto-école. Mais, non, cet élève n’en démordait pas.
Oui, un lundi matin, comme les autres, vraiment. Si ce tracteur n’avait pas été là, si l’automobiliste – le père d’un élève de la classe dont j’étais le professeur principal, soit dit en passant – n’avait pas franchi l’interdit de cette ligne blanche, je ne serais pas là, à écrire sur toi, Florence.
Un lundi comme les autres. Ce 25 novembre 2002.
Je pense à toi, souvent. Je parle de toi à mes élèves. Je ne t’oublie pas. Dans mes archives, j’ai toujours la copie que je n’ai jamais rendue. Je la conserve. Je ne sais plus si c’est une bonne ou une mauvaise note.
Je m’en fous.
Je garderai cette copie.
Toujours. Avec le regret, aussi triste que lancinant, de n’avoir jamais pu te la rendre…

Un jour de retard...

L'un de mes artistes préférés a écrit une chanson sur le 11 novembre... Le Remembrance Day. Ce n'est pas la meilleure chanson de Bryan Adams mais les paroles sont intéressantes. Bel hommage.

Une pensée pour le frère de mon grand-père maternel, mort au combat le 23 avril 1915. 23 avril, c'est aussi le jour de mon anniversaire. Pour mon grand-père, j'ai rétrospectivement compris que cette date n'avait jamais dû être joyeuse.

Mon grand-père a toujours refusé que le nom de son frère figure sur le monument aux morts de son village de la Drôme. Une manière de contester les sacrifices inutiles de tant de chair si jeune...

Le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich

HHhH.

Quatre lettres pour quatre mots allemands que l'on traduit ainsi : le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Quand j'ai récupéré ce livre, le titre m'avait interloqué. Je m'étais gardé ce bouquin bien au chaud car j'adore tout ce qui touche à l'histoire, particulièrement à la seconde guerre mondiale.

On ne sait pas trop si l'auteur fait oeuvre d'historien ou de romancier. Il écrit l'Histoire, fait de nombreux développements pour expliquer ses doutes sur ce qu'il écrit. C'est tout simplement passionnant. Quand on raconte l'Histoire, on reconstruit, on re-fait. C'est valable aussi, selon moi, pour l'autobiographie qui n'est que reconstruction et qui est donc souvent omission ou arrangement inconscient avec la vérité.

L'histoire, en l'occurrence, est très simple : c'est l'assassinat par trois courageux bonshommes tchèques et moraves de l'une des pires pourritures qui a sévi sur terre : Heydrich, le grand promoteur de la Solution finale, le fidèle des fidèles auprès d'Hitler.



Laurent Binet, l'auteur, trouve un ton décalé pour raconter cela. Parfois avec un humour noir hyper grinçant qui reste toujours dans la décence, la mesure. Qui ne se prive pas de traiter Goering de "gros porc", qui raille le système nazi. L'auteur se met carrément en scène, il vit l'histoire avec un "je" qui implique nécessairement le lecteur. Il souffre car il ne peut réécrire l'Histoire et il sait, comme tout lecteur averti, qu'Heydrich va mourir et que ses assassins seront trahis. On est loin du morbide à outrance des Bienveillantes que j'avais trouvé si indigeste. On n'est jamais dans le pathos. On est dans un ton unique.

L'auteur s'arrête aussi sur les représailles, le dilemme des des trois assassins. Mais, malgré la vengeance terrible des nazis aux alentours de Prague, l'auteur s'adresse aux assassins et leur dit qu'ils ont eu raison.

Une réussite.

Plan de classe

Comme je m'y étais engagé auprès de plusieurs familles lors de la réunion parents-profs, j'ai établi pour chaque classe un "plan de classe". Je suis assez opposé à ce principe qui ne favorise pas la responsabilisation de l'élève mais, bon...

Désormais, les élèves seront placés et j'estime que, dès à présent, les élèves qui bavarderaient seraient en faute complète puisque j'estime que la place que j'ai assignée doit les empêcher de parler. Ils s'exposeraient alors à des sanctions immédiates.