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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Jardinage....................

Ce livre est un livre saisissant. C'est un récit documentaire ou un récit documenté. Comme on veut. L'auteur nous fait vivre le destin de M. Dodd. Cet homme n'est pas n'importe qui. Il est l'homme que choisit Roosevelt comme ambassadeur des USA à Berlin en 1933.

En suivant pas-à-pas cet ambassadeur faussement guindé et de sa fille pas du tout guindée, on est immergé au coeur du pouvoir hitlérien qui vient de s'imposer en Allemagne. On vit, surtout, toute la terreur que le régime nouvellement né met en oeuvre pour s'affirmer. Les rivalités internes, les nuits sanglantes : tout est passé au crible et on vit, le temps de ces centaines de pages, avec des individus qui peuvent prétendre à la coupe dans la course aux pires ordures que la Terre ait jamais portées.

J'adore l'Histoire. Particulièrement ce qui tourne autour des deux guerres mondiales et ce livre, parce qu'il évoque les prémisses d'un conflit terrifiant, m'a saisi. On ne peut pas refaire l'histoire mais, si on avait écouté Dodd et quelques autres (qui n'était pas parfait, d'ailleurs), en serions-nous arrivés là ? Si Hindenburg avait vécu ? Et si Himmler n'avait pas abusé Hitler en lui faisant croire à un complot d'envergure dont la résolution serait tragique lors de la nuit des longs couteaux ? Et si...


"Quelque chose de fondamental avait changé en Allemagne.

Lui s’en rendait compte, mais il était convaincu que rares étaient ceux qui, aux États-Unis, en faisaient autant. Il était de plus en plus perturbé par sa difficulté à persuader le monde de la véritable ampleur de la menace que représentait le nouveau chancelier. Il était absolument évident à ses yeux que Hitler était en train de préparer en secret, de façon offensive, son pays à une guerre de conquête. "

"Berlin aurait dû être un job en or… ce n’était certes pas Londres ni Paris, mais une des plus grandes capitales d’Europe, au centre d’un pays en pleine mutation révolutionnaire sous la conduite de son nouveau chancelier, Adolf Hitler. Selon le point de vue que l’on adoptait, l’Allemagne connaissait une véritable renaissance ou un crépuscule brutal."

"Mais sous la surface, l’Allemagne subissait une révolution rapide et radicale qui pénétrait au cœur de l’étoffe de la vie quotidienne. Elle s’était produite silencieusement et, pour la majeure partie, à l’abri des regards superficiels. À la base figurait la Gleichschaltung 12 – la « mise au pas » (autrement dit, la nazification) –, un train de mesures officielles destinées à aligner les citoyens, les ministres, les universités et les institutions culturelles et sociales sur les idées et les positions du national-socialisme.

La « mise au pas » s’effectuait à une vitesse étonnante, même dans des milieux non directement visés par des lois spécifiques, les Allemands se plaçant de leur propre chef sous l’autorité nazie, un phénomène qui prit le nom de Selbstgleichschaltung, ou « mise au pas volontaire » 13. Le changement se fit à une telle vitesse et avec une telle ampleur que les Allemands qui quittaient le pays pour les affaires ou un voyage remarquaient la différence en revenant, comme s’ils étaient les personnages d’un film d’horreur qui découvraient à leur retour que des gens qui avaient été jadis leurs amis, clients et patients, avaient changé d’une façon imperceptible."

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Grâce à sa position privilégiée, il avait compris cela ainsi que d’autres phénomènes de l’Allemagne nouvelle, et il bouillait devant l’incapacité des étrangers à saisir la véritable nature du régime hitlérien. "

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C’était un problème que Messersmith avait remarqué maintes et maintes fois. Ceux qui vivaient en Allemagne et prêtaient attention comprenaient que quelque chose de fondamental avait changé et que les ténèbres s’étaient abattues sur le paysage. Les visiteurs ne le voyaient pas. En partie, comme Messersmith l’analysait dans une dépêche, parce que le gouvernement allemand menait une campagne pour « influencer l’opinion des visiteurs américains 25 en Allemagne au sujet de ce qui se passe dans le pays ». "

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« Vous ne pouvez espérer que l’opinion mondiale à votre sujet se modère tant que des dirigeants comme Hitler et Goebbels annonceront publiquement, comme à Nuremberg, que tous les Juifs doivent être éradiqués de la surface de la Terre. »

Dodd se leva pour partir. Il se tourna vers le ministre d’Hitler : « Aurons-nous une guerre ? » demanda-t-il.

De nouveau, von Neurath s’empourpra : « Jamais !

– Vous devez vous rendre compte que l’Allemagne serait ruinée par une autre guerre », ajouta Dodd avant d’ouvrir la porte."

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Une autre loi nouvellement proposée retint particulièrement l’attention de Dodd, une loi « permettant d’éliminer les malades incurables » 2, comme il le décrivit dans une note au Département d’État datée du 26 octobre 1933. Les patients gravement malades pouvaient demander à être euthanasiés, mais s’ils étaient incapables de le formuler eux-mêmes, leur famille pouvait le faire à leur place. Cette proposition, « s’ajoutant à la législation déjà promulguée concernant la stérilisation des personnes atteintes d’imbécillité héréditaire ou d’autres anomalies similaires, est conforme au but d’Hitler d’élever les critères physiques du peuple allemand, signalait Dodd. D’après la philosophie nazie, seuls les Allemands en bonne forme physique appartiennent au Troisième Reich, et ce sont eux qui sont censés avoir de grandes familles »."

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La peur et la tension que Martha observa chez Fallada vinrent compléter l’accumulation de preuves qui, au cours du printemps, avait commencé à saper son engouement pour l’Allemagne nouvelle. Son adhésion aveugle au régime hitlérien faiblit pour laisser d’abord place à une forme de scepticisme bienveillant mais, l’été approchant, elle éprouva une révulsion de plus en plus forte."

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En Allemagne, comme Dodd l’avait remarqué, personne ne maltraitait un chien et, par conséquent, les chiens ne craignaient jamais le voisinage des hommes ; ils étaient toujours grassouillets et manifestement bien entretenus : « Seuls les chevaux semblent jouir d’un bonheur comparable, jamais les enfants ni les jeunes. Je m’arrête souvent en chemin vers mon bureau et j’échange quelques mots avec une paire de magnifiques chevaux qui attendent pendant qu’on décharge leur charrette. Ils sont si propres, gras et heureux qu’on a l’impression qu’ils sont sur le point de vous adresser la parole. » Il appelait cela « Le bonheur du cheval » et avait remarqué le même phénomène à Nuremberg et à Dresde. Il savait que cela tenait en partie à la loi, qui interdisait la cruauté envers les animaux et punissait les contrevenants d’une peine de prison ; Dodd trouvait cela profondément bizarre. « À une époque où des centaines d’hommes sont mis à mort sans procès et sans la moindre preuve de leur culpabilité, et quand la population tremble de peur, les animaux possèdent des droits garantis, des droits que des hommes et des femmes ne peuvent espérer pour eux-mêmes. »"

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