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"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Lire ? - Lire !

Récemment, en réunions parents-profs, plusieurs parents m'ont interpellé : "Quelles lectures conseilleriez-vous à mon enfant ?"

En voilà une question qu'elle est bonne ? C'est assurément une question pertinente tant elle est récurrente, et montre - c'est déjà ça - que les parents s'inquiètent parfois de la léthargie de leur enfant face à cette activité si noble et si enrichissante qu'est la lecture - ou bien, c'est le cas parfois, ils trouvent que les bouquins que je choisis sont nuls. Dans Comme un roman, Daniel Pennac (ancien prof de français) rappelle que le premier droit du lecteur est de ne pas lire - ça commence bien !

Je suis d'accord avec lui. A ce titre, c'est le cas de le dire, au lieu de nous pondre une réforme du collège ahurissante de bêtise(s), on aurait mieux fait de réfléchir à une refonte totale de la manière d'enseigner le français et, probablement, l'approche de l'acte de lire et de l'acte d'écrire. La séquence a montré ses limites et, au coeur de cette problématique de la séquence, le "lire" a fait long feu, assimilé à une simple performance : il FAUT lire trois livres en classe et trois livres de manière cursive dans l'année. Ouf, si on y est arrivés, c'est génial ! Si l'élève n'a rien pigé, ce n'est pas grave, au moins l'honneur est sauf, il a lu ses six fichus bouquins (on pourra toujours dire à l'inspecteur qu'on a rempli le contrat). Est-ce ainsi que l'on va développer ou entretenir l'envie de lire ? J'ai comme un doute...

Quand j'étais moi-même collégien, ça ne rigolait pas. Je me souviens de Racine, de Zola et de Corneille en troisième (et pas en versions expurgées !) Il faut dire que, alors, forgés par une méthode d'apprentissage de la lecture impeccable, nous savions tous lire couramment, sans heurter les mots, en comprenant le sens du texte et armés d'un lexique pour comprendre les classiques. Je ne dis pas que c'était mieux avant - en fait, si ! c'était mieux avant ;-) J'ai mal pour mes élèves, souvent, quand le lecture d'un texte d'une vingtaine de lignes, en classe, est pour eux si fastidieuse, si vide de sens, à tel point que, un jour, au Brevet, ils plancheront sur un texte purgé de son sens, amenés à répondre à une sorte de ramassis de questions d'une simplicité si débilisante qu'elle va donner à chacun bonne conscience : ouf ! les élèves ont pigé le texte ! vous voyez, ça ne sert à rien de vous alarmer, tout baigne, tout est sous contrôle (avec accent) !

Je m'éloigne du sujet ? Ah bon ? Pas tant que ça... Le gars qui n'aura jamais appris à sauter une haie détestera le 110 mètres-haie, le gars (ça, c'est moi) à qui on aura jamais pris le temps d'expliquer comment équilibrer une équation-bilan haïra la physique... Quiconque sait approximativement lire (c'est-à-dire la majorité de mes élèves) sera rebuté par la simple couverture d'un livre à ouvrir, encore plus si l'auteur s'appelle Zola ou Hugo car les préjugés intellectualistes de la littérature ont la vie dure.

Alors, que conseiller à mes élèves ? Je n'en sais rien ! Il faut qu'ils trouvent une voie qui leur plaît. Ces derniers temps, tout ce qui est Hunger games, Harry Pot-de-fleur et autres de la même veine (de vampire) ont fait les délices de nos chères têtes blondes.

Personnellement, même si je me suis fait étriller par un lecteur de ce blog à ce sujet, je n'ai aucun problème à lire du Hugo ou du Lévy. Quand je vais voir un film au cinoche, je me fous de savoir si le film est nickel, un modèle de mise en scène, j'attends qu'il me plaise. Et bien, moi, j'emmerde les gens qui vomissent certains auteurs sous prétexte que c'est de la soupe, beurk, pas bon, vous n'avez pas honte ? Honte de quoi, au fait ? Cette approche pédante, arrogante, suffisante de la lecture a fait déserter les élèves des filières littéraires en leur donnant une dimension aussi caricaturale qu'absurde.

Je dis à ceux qui lisent ce blog (80 visites quotidiennes) : lisez ce que vous voulez !

"Oui, mais par où commencer ?"

Je ne sais pas, moi ! tenez, prenez du Tatiana de Rosnay. J'adore, c'est simple, prenant, beau. Elle s'appelait Sarah : les élèves plébiscitent. Rose, Boomerang,.. Anna Gavalda et, oui ! Les Enfants de la liberté de Lévy, rien que pour emmerder les grinchouillards ! Il y a à prendre dans la littérature contemporaine : Adam, Binet (HHhH : un bijou !), même chez nos amis anglo-saxons comme Ken Follett ou Hemingway ou Steinbeck (Des Souris et des hommes fait un improbable tabac, ça plaît aux élèves). Mais oui, Rosnay, voilà une femme qui écrit bien et qui est très accessible aux ados ! Ajoutons Pennac et les aventures de Malaussène, complètement déjantées ! Plus sérieusement, Pagnol, un conteur inégalé. Il y a matière à lire du côté de Schmitt (La Part de l'autre) ou de Daeninckx (ses nouvelles ou bien Itinéraire d'un salaud ordinaire)

Les classiques ? Ah oui, du latin "classicum", ceux dignes d'être étudiés en classe, l'élite - c'est quoi l'aune, la jauge d'une élite ? Un effet de mode (je pense à Sartre, plébiscité un temps et quasiment voué aux gémonies de nos jours) ? un auteur confirmé dans le temps ? Allons-y pour Céline qui fut pour moi un choc quand je l'ai découvert en première. Mais bon, on l'a banni, peu fréquentable (c'est vrai, son antisémitisme est une faute lourde, pareil pour son racisme et sa mysoginie) mais génial artisan des mots. N'oublions pas Zola (en troisième, j'avais lu tous les Rougon-Macquart) avec L'Assommoir qui passe généralement bien auprès des élèves, Balzac, Flaubert, Maupassant et, encore le maître pour moi, Hugo.

Il faut surveiller les prix littéraires et, notamment, le Goncourt des lycéens qui couronne souvent une valeur sûre (même si je n'ai pas réussir à venir à bout du dernier Delphine de Vigan qu'il a consacré il y a quelques mois)

Côté littérature jeunesse ? Bibliothèque, médiathèque, CDI pour piocher des infos et des conseils auprès du professeur-documentaliste. La littérature jeunesse est intarissable et c'est d'ailleurs la manne du public jeune qui permet à bien des maisons d'édition de survivre...

Ai-je répondu aux interrogations de mes parents d'élèves ? Bien partiellement, je le crains. Je n'ai pas de vérité. J'essaie, à ma modeste échelle, de faire aimer des livres à mes élèves. Parfois, souvent ? (ah ! les fameuses digressions de Monsieur Rio !), je m'éloigne de mon cours, je leur parle d'un bouquin, je leur montrer qu'on peut aimer lire, que c'est une source d'ouverture, que ce n'est ni ringard ni has-been.

Même si, un bouquin, ça ne s'allume pas avec un interrupteur comme un iPad ou une Wii-U.

SR

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