Bienvenue !

"Les points sur les i", petit blog péda(nt)gogique lié à mon métier de prof de français. En 2021, j'attaque ma 22ème rentrée : la huitième dans la Manche, après neuf ans dans les Ardennes et plusieurs années en lycée et collège aux alentours de Dieppe. Cette interface est un lieu pour proposer des éléments (plus ou moins) en rapport avec les cours que j'inflige à mes élèves : cahiers de textes, documents complémentaires, billets d'humeur et partages de mes lectures personnelles... Bonne visite !

Libres !!!

Je ne connais pas trop Marc Lévy. les avis sont très contrastés à son sujet. J'ai attaqué ce livre sans préjugés. C'est un bouquin passionnant ! Le meilleur que j'ai lu depuis plusieurs semaines et, pourtant, je lis 4 à 6 livres par mois !



C'est plutôt bien écrit. Sans pathos superflu.


Pourtant l'histoire s'y prête. L'histoire, justement, c'est celle du père et de l'oncle de l'auteur engagés dans la Résistance alors qu'ils avaient une poignée d'années - moins de vingt ans. On y suit donc Jeannot et Claude et tous leurs copains de Résistance, ceux qui meurent, ceux qui survivent, ceux qui échouent dans leur mission. Une tranche de vie pleine d'espoir des années noires. Mieux qu'un livre d'histoire. Non, vraiment très intéressant !


On s'attache à ses gamins d'origine juive, enrôlés dans les groupuscules de la Résistance. On croise des civils qui n'osent pas résister, d'autres qui aident par leur simple silence, les salauds de la Gestapo, les salauds français qui prennent bien leur pied à collaborer, les règlements de comptes au sein même de la Résistance à l'aube du Débarquement. Et cette interminable fuite en avant dans le dernier train de la mort ! Epoustouflant !


Le chapitre XVII est formidable, très émouvant... L'histoire si poignante, si récurrente, d'une gamine de dix ans qui voit une voiture noire emmener sa mère pour toujours...


Ma grand-mère avait 25 ans durant la guerre. J'aurais aimé qu'elle puisse lire ce livre... On ressort un peu triste de ce livre. On aurait aimé qu'il soit plus long, presque. Et on se dit que, forcément, le prochain livre sera un peu amer, décevant...




"Il avait suffi de quelques minutes assis là, l’un à côté de l’autre, quelques minutes où nous nous retrouvions enfin, et il redevenait déjà mon petit frère. Au ton de sa voix, c’était presque comme s’il s’excusait d’avoir fait une bêtise en faisant sauter la machinerie de son écluse. Pourtant, combien de jours de retard s’accumuleraient dans l’acheminement de lourdes pièces de marine que l’armée allemande faisait transiter par le canal, de l’Atlantique à la Méditerranée ? Claude riait, j’ai passé ma main dans sa chevelure ébouriffée et moi aussi je me suis mis à rigoler. Parfois, entre deux frères, la complicité est bien plus forte que tous les interdits du monde. Il faisait beau et la faim était toujours là."


"Nous avons remonté ensemble la petite rue où il logeait. Avant d’aller prendre mon tramway, je me suis retourné, juste une fois, pour voir sa frimousse avant de repartir vers la solitude. Lui ne s’est pas retourné, et finalement c’était mieux comme ça. Parce que ce n’était plus mon petit frère qui rentrait chez lui, mais l’homme qu’il était devenu. Et ce dimanche soir-là, j’avais un sacré coup de cafard.
"

"Les miliciens violaient, torturaient, dérobaient les biens des gens qu’ils déportaient, monnayaient leur pouvoir sur la population. Combien de femmes ont écarté leurs jambes, yeux fermés, mâchoires serrées à en crever, contre la promesse fictive que leurs enfants ne seraient pas arrêtés ? Combien de ces vieillards dans les longues files d’attente au devant des épiceries vides devaient payer les miliciens pour qu’on les laisse en paix, et combien de ceux qui ne purent s’acquitter furent envoyés dans les camps afin que les chiens de rue viennent tranquillement vider leurs logis ? Sans ces salauds, jamais les nazis n’auraient pu déporter tant de monde, pas plus d’un sur dix de ceux qui ne reviendraient pas."

"les actions que nous entreprenions étaient tout autres que de la vengeance, elles étaient un devoir de cœur, pour sauver ceux qui n’auraient pas à connaître ce sort, pour participer à la guerre de libération."

"Aux premières heures du jour, le cou enveloppé dans son écharpe rouge, il venait faire la queue devant l’épicerie. C’est lui qui les réconfortait pendant la longue attente des petits matins glacés. Il n’offrait rien d’autre que de la chaleur humaine mais dans cet hiver-là, c’est ce qui manquait le plus. Voilà, c’est fini, maintenant M. Lormond ne dira plus jamais rien. Ses mots d’humour qui provoquaient toujours un rire, un soulagement, ses petites phrases drôles ou tendres qui tournaient en dérision l’humiliation du rationnement, sont partis dans une voiture de la Gestapo il y a deux heures déjà."

"Mme Lormond le sent, elle sait. Elle voudrait se retourner, pour offrir à sa fille un dernier sourire, un geste de tendresse qui lui dirait combien elle l’aime ; un regard, le temps d’une fraction de seconde, mais assez pour qu’elle sache que ni la guerre, ni la folie des hommes ne la déposséderont de l’amour de sa mère.

Mais voilà, en se retournant elle attirerait l’attention sur son enfant. Une main amie a sauvé sa petite fille, elle ne peut pas prendre le risque de la mettre en danger. Le cœur en étau, elle ferme les yeux et avance vers la voiture, sans se retourner."

"Au cinquième étage d’un immeuble, à Toulouse, une fillette de dix ans regarde sa maman qui s’en va pour toujours. Elle sait bien qu’elle ne reviendra pas, son père le lui a dit ; les juifs qu’on emmène ne reviennent jamais, c’est pour cela qu’il ne fallait jamais se tromper quand elle donnait son nouveau nom."

"C’est en le regardant muré dans son désespoir, ici même, au milieu de cet univers sordide, que j’ai pourtant vu l’une des plus justes beautés de notre monde : un homme peut se résoudre à l’idée de perdre sa vie, mais pas à l’absence de ceux qu’il aime."

"Le père Joseph, l’aumônier de la prison, sacrifiait ses tickets de rationnement pour lui venir en aide. Chaque semaine, il lui apportait un petit colis de biscuits. Pour nourrir Chahine, je les émiettais et le forçais à manger. Il lui fallait plus d’une heure pour grignoter un biscuit, parfois le double. Épuisé, il me suppliait de donner le reste aux copains, pour que le sacrifice du père Joseph serve à quelque chose.

Tu vois, c’est l’histoire d’un curé qui se prive de manger pour sauver un Arabe, d’un Arabe qui sauve un Juif en lui donnant encore raison de croire, d’un Juif qui tient l’Arabe au creux de ses bras, tandis qu’il va mourir, en attendant son tour ; tu vois, c’est l’histoire du monde des hommes avec ses moments de merveilles insoupçonnées."

"Sur le trottoir, les passants ralentissent le pas, s’amusant de voir ce couple enlacé dont le baiser semble ne jamais vouloir finir. Au milieu de cette horrible guerre, certains trouvent encore la force de s’aimer. Le printemps reviendra, a dit Jacques un jour, et ce baiser volé sur le parvis d’un hôpital sinistre laisse croire qu’il avait peut-être raison."

"Nous n’avions pas vingt ans, à peine plus pour certains d’entre nous, et il nous restait bien des choses à apprendre pour faire la guerre sans se faire repérer, des choses que les limiers de la police de Vichy connaissaient sur le bout des doigts."

"Nous arrivons au début de l’après-midi. Nuncio et son ami Walter ne pensent qu’à s’évader. Le soir, pour passer le temps, nous faisons la chasse aux puces et aux poux qui rongent le peu de chair qui nous reste. Les parasites se logent dans les coutures de nos chemises et de nos pantalons. Il faut beau-coup d’adresse pour les déloger, et à peine une colonie chassée, une autre prolifère. À tour de rôle, les uns s’allongent pour essayer de se reposer tandis que d’autres s’accroupissent pour leur faire de la place. C’est au milieu de cette nuit-là, que me vient cette drôle de question : si nous survivons à cet enfer, pourrons-nous un seul jour l’oublier ? Aurons-nous le droit de revivre comme des gens normaux ? Peut-on gommer la part de mémoire qui trouble l’esprit ?"

"Ce n’est plus qu’une question d’heures pour moi. Jeannot, il faudra un jour que tu racontes notre histoire. Il ne faut pas qu’elle disparaisse comme moi.

— Tais-toi, Samuel, tu dis des bêtises et je ne sais pas raconter les histoires.

— Écoute-moi, Jeannot, si toi tu n’y arrives pas, alors tes enfants le feront à ta place, il faudra que tu le leur demandes. Jure-le-moi.

— Quels enfants ?

— Tu verras, poursuit Samuel dans un délire halluciné. Plus tard tu en auras, un, deux, ou plus je ne sais pas, je n’ai plus vraiment le temps de compter. Alors il faudra que tu leur demandes quelque chose de ma part, que tu leur dises que cela compte beaucoup pour moi."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci d'avoir laissé un commentaire. Il sera validé dans les plus brefs délais.